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«Le sol est si sec que la moindre retombée des fusées peut être fatale» : de nombreux feux d’artifice du 14 Juillet annulés en raison du risque d’incendie

Quelques jours après les sinistres qui ont ravagé Narbonne et Marseille, le risque de départ de feu demeure élevé dans une dizaine de départements. Conséquence : certaines communes décident d’annuler ou reporter les festivités prévues pour la fête nationale.
Lors du feu d'artifice du 14 Juillet, à Péronne, dans les Hauts-de-France, en 2018. (Amélie Landry /Agence VU)
publié le 12 juillet 2025 à 8h00

A Paimbœuf, commune de Loire-Atlantique, le programme des traditionnelles festivités du 14 Juillet – en réalité célébrées le 13 juillet – était prévu de longue date : animation musicale, buvette, soirée dansante et feux d’artifice tirés depuis le bord de Loire. «C’est le clou de la soirée, on a toujours beaucoup de monde», commente le maire de la commune, Raymond Charbonnier (divers gauche). Mais pour cette édition 2025, aucun spectacle pyrotechnique n’illuminera le ciel : le département a été placé en risque de feu de forêt élevé pour la journée du vendredi 11 juillet par Météo France, comme douze autres départements de l’ouest et du sud de la France. La préfecture de Loire-Atlantique a dans la foulée publié un arrêté interdisant les spectacles pyrotechniques situés à proximité de parcs et zones boisées.

A Paimbœuf, les gerbes lumineuses positionnées au bord de la pinède doivent donc être remballées. «C’est une décision que l’on regrette, car c’est toujours un moment important, mais le danger est trop élevé, avance le maire. Et même si on avait décidé de maintenir le feu, l’artificier aurait lui aussi refusé, pour cause de sol beaucoup trop sec.» Impossible également pour la commune de rejouer le scénario de 2022, année marquée par une sécheresse extrême, au cours de laquelle le feu d’artifice avait malgré tout pu se maintenir grâce à des sous-bois arrosés à la lance à incendie et des agents communaux «disposés autour de la zone de tir avec des extincteurs dans les mains».

Mais cette année, «c’est un autre stade qui a été franchi, et on a tous en tête les incendies de Narbonne et de Marseille d’il y a quelques jours». Les feux d’artifice sont reportés à septembre, «si les conditions le permettent», espère Raymond Charbonnier.

Dans l’Aude, tous les feux d’artifice interdits, sauf à Carcassonne

Ainsi, dans toute la Loire-Atlantique, «des panneaux avec l’inscription “feux d’artifice annulés” sont plantés partout ces derniers jours», complète Roch Cheraud, coprésident des maires ruraux du département, qui ajoute n’avoir «jamais vu le coin aussi sec, comme de la paille».

Et ces annulations en cascade s’étendent également à de nombreux autres départements de l’Hexagone. Dans l’Aude, où un incendie a ravagé 2 000 hectares, la préfecture a décidé d’interdire l’ensemble des feux d’artifice prévus entre le 12 et le 31 juillet, à l’exception de celui de Carcassonne, le 14 juillet. En Charente-Maritime aussi, tous les feux d’artifice et les spectacles pyrotechniques sont interdits pour la fête nationale, à l’exception de ceux tirés en mer ou depuis l’estran, souligne la préfecture.

Dans le Gard, il n’est pas question d’interdiction mais plutôt de «recommandation» : dans un communiqué, le préfet «en appelle à la responsabilité et à l‘esprit de sauvegarde des maires pour reporter les feux d’artifice à des périodes sans risque». Thierry Féline, maire de la commune de Saint-Laurent-d’Aigouze, de près de 3 500 habitants, n’a pas hésité à reporter les feux au mois de décembre, lors du marché de Noël, car il faut «penser aux pompiers mobilisés sur le terrain». Sur place, tous les habitants se sont montrés compréhensifs, avance-t-il. Et l’édile de rappeler qu’avec cet assèchement des sols, «la moindre retombée des fusées pouvait être fatale».

A l’inverse, d’autres départements actuellement placés en vigilance orange feux de forêts par Météo France n’ont pris aucune mesure d’interdiction, comme c’est le cas de l’Hérault ou du Vaucluse, indiquent les préfectures à Libération.

Mais, même en l’absence d’arrêté préfectoral, chaque maire peut prendre la décision de maintenir ou non les festivités, puisqu’il est compétent sur ce dossier. En Indre-et-Loire, une dizaine de communes ont ainsi annoncé renoncer à un spectacle pyrotechnique, comme Paulmy, où la municipalité a assuré aux habitants qu’il «sera reporté à une période plus propice». D’autres ont suivi, dans l’Indre et dans le Loiret. Dans la Creuse aussi, la mairie de La Souterraine explique au micro d’Ici Creuse que «c’est un vrai crève-cœur», mais que «les pompiers ont autre chose à faire que d’éteindre un potentiel incendie causé par un feu d’artifice».

«Les restrictions touchent une dizaine de départements»

Au total, le ministère de l’Intérieur, sollicité par Libération, souligne qu’il «n’existe pas de chiffres de ces annulations consolidés au niveau national», car «ce sont les maires eux-mêmes qui prennent le plus souvent la décision d’annuler, soit d’initiative ou soit dans le cadre d’un dialogue avec la préfecture, sans qu’aucun arrêté ne soit pris».

Sébastien Leroy, coprésident de la mission prévention des risques de l’association des maires de France, estime pour sa part «que les communes d’une dizaine de départements, de la façade Atlantique à la vallée du Rhône en passant par le pourtour méditerranéen» sont concernées par ces annulations ou ces reports. Et si même en 2022, plusieurs feux d’artifice avaient déjà été supprimés, notamment dans le département de la Gironde pour des risques de feux de forêts, le maire de Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes) souligne que «le phénomène est d’une ampleur exceptionnelle et inédite cette année». Et, fataliste : «Plus aucun territoire n’est épargné par la sécheresse, et l’été ne fait que commencer.»