Depuis la parution de son roman à succès, Houris, prix Goncourt 2024, l’écrivain franco-algérien Kamel Daoud est au cœur d’une tempête diplomatico-littéraire, accusé par une femme de s’être approprié sa tragédie intime et vilipendé par le régime algérien. Ces tensions pourraient franchir un nouveau palier. Selon les informations du Point mardi 6 mai au soir, également confirmées par Radio France et Le Figaro, deux mandats d’arrêt internationaux ont été émis par un juge du tribunal d’Oran, à l’ouest de l’Algérie, où le journaliste et écrivain était installé avant de rejoindre la France.
Le premier mandat a été émis par Interpol Algérie en mars. Un second lui a ensuite été adressé au début du mois de mai. Selon le Figaro, ces deux mesures sont en lien direct avec le dernier roman de l’écrivain, qui retrace l’histoire d’une jeune femme rescapée de la décennie noire (1992-2002) en Algérie. «Pendant la guerre civile des années 1990, on assassinait des écrivains. Aujourd’hui, on les met en prison et on lance des mandats d’arrêt contre eux», a commenté Kamel Daoud dans les colonnes du Point.
Des motivations «politiques»
«Les motivations de tels mandats algériens ne pourraient qu’être politiques et s’inscrire dans un ensemble de procédures menées pour réduire au silence un écrivain dont le dernier roman évoque les massacres de la décennie noire», a réagi son avocate, Jacqueline Laffont, auprès de l’Agence Radio France. Elle affirme qu’une «requête préemptive» va être déposée «sans délai» auprès de la commission de contrôle des fichiers d’Interpol. Son but : contester l’émission de ces mandats d’arrêt.
Comme le précise Le Figaro, c‘est la première fois qu’un lauréat du prix Goncourt fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour l’un de ses romans.
Récit
Depuis la parution de Houris, romain interdit en Algérie, Kamel Daoud est au centre de différentes poursuites judiciaires à la fois en Algérie et en France. Saâda Arbane, algérienne survivante de la guerre civile, l’accuse d’avoir volé son histoire pour la placer au cœur de son roman. L’écrivain a toujours contesté ces accusations. Elle a déposé deux plaintes pour violation du secret médical, atteinte à la vie privée et diffamation des victimes du terrorisme, rappelle France Info.
Côté français, Saâda Arbane a également déposé plainte contre l’écrivain pour atteinte à la vie privée et diffamation. Une première audience se tient ce mercredi 7 mai au tribunal de Paris.
Situation diplomatique «bloquée»
Ce nouvel épisode de tensions de part et d’autre de la Méditerranée intervient alors que «la situation est bloquée» entre Paris et Alger, a relevé mardi sur RTL le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot.
La crise diplomatique déclenchée en juillet 2024 par la reconnaissance française de la «souveraineté marocaine» sur le Sahara occidental, n’a cessé depuis de s’exacerber avec, en point d’orgue, la décision mi-avril de Paris d’expulser «douze agents servant dans le réseau consulaire et diplomatique algérien en France» et de rappeler son ambassadeur à Alger pour consultations, en représailles à des expulsions similaires annoncées par l’Algérie.
Plusieurs élus français, dont des députés et sénateurs de la gauche et du centre, sont toutefois attendus jeudi en Algérie pour commémorer les massacres du 8 mai 1945, et honorer les victimes de la répression sanglante par la France des manifestations indépendantistes.