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Libération
Billet

Légion d’honneur : pudding ou bouillabaisse?

Mediator, le procèsdossier
L’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn distinguée, le professeur Claude Griscelli, lié au laboratoire Servier, promu commandeur... Ne manque plus que Didier Raoult pour que la fournée 2022 soit cohérente.
Emmanuel Macron et Agnès Buzyn, à Lyon, le 27 septembre 2021. (Ludovic Marin/AFP)
publié le 2 janvier 2022 à 19h31

Mais pourquoi diable le professeur Didier Raoult n’a-t-il pas été retenu dans la livraison du 1er janvier 2022 de la Légion d’honneur ? Certes, on prétextera qu’il avait déjà été fait chevalier en 2011 par Nicolas Sarkozy, mais pourquoi cet oubli ? Car, soyons équilibré, notre Marseillais a dit presque autant de bêtises durant cette pandémie qu’Agnès Buzyn qui, elle, a eu l’honneur d’être retenue. En plus, Raoult n’est pas, comme l’ancienne ministre, mis en examen par des magistrats de la Cour de justice de la République pour «mise en danger de la vie d’autrui». On argumentera à juste titre que la présomption d’innocence existe, et rien ne dit qu’elle a commis des erreurs autres que celle d’appréciation.

Passons, mais si l’on reste du côté de la justice, il y a le cas magnifique du professeur Claude Griscelli, une figure de la pédiatrie française. Ce 1er janvier, il a été fait commandeur de la Légion d’honneur. Ce n’est pas rien. Et sa nomination intervient l’année même où il a été relaxé des faits de corruption dans l’affaire du Mediator. Comme l’a pourtant montré l’instruction de ce scandale, il a été actif, touchant annuellement pas moins de 90 000 euros de Servier «pour un travail de consultant intellectuel», fonction originale qui consiste à passer chaque année quelques coups de téléphone. Il a été en contact quasi quotidien avec l’ex-sénatrice Marie-Thérèse Hermange qui rédigeait, elle, le rapport sénatorial sur ce coupe-faim. Relaxé donc contre l’avis du ministère public, et maintenant commandeur de la Légion d’honneur. Dans la même fournée de nominations de cette rentrée, il y a tout le Conseil scientifique, également l’ex-député Gérard Bapt qui a eu, lui, un rôle important pour faire éclater les affaires du Mediator puis du Levothyrox.

Bref, cette fournée de Légions d’honneur a des allures de pudding. «Cela s’appelle le microcosme», ironisait Irène Frachon, à l’origine de l’affaire du Médiator. Ou, pour filer la métaphore, voilà une bouillabaisse où il ne manque que notre druide marseillais. Tout cela n’est pas très grave, mais il est difficile de se repérer pour savoir ce qui est valorisé dans ces choix.