Leurs chants puissants peuvent s’harmoniser jusqu’à former un chœur. Par ces vocalises, les indris communiquent entre groupes, se parlent au sein d’une même famille, mettent leurs prédateurs en déroute. Cette faculté leur a valu le surnom de «lémuriens chantants». Mais les indris pourraient bientôt se taire.
Car à Madagascar, la quasi-totalité des lémuriens sont menacés. Et l’indri partage avec douze de ses cousins le triste privilège de figurer sur la liste rouge des espèces en danger critique d’extinction dressée par l’Union internationale pour la conservation de la nature. «La déforestation liée à la production de bois, à l’agriculture sur brûlis ou aux exploitations minières ont drastiquement réduit son habitat. Ce facteur constitue le principal danger pour lui, d’autant qu’il ne survit pas en captivité et qu’il est impossible de l’élever dans un zoo», explique Clarissa Puccioni, responsable d’un projet pour la sauvegarde de l’indri au sein du World Sustainability Organization (WSO).
«Valeur culturelle et économique des lémuriens»
Cette ONG internationale dédiée à l’agriculture et à l’élevage durables intervient dans l’aire protégée de Maromizaha, à l’est d’Antananarivo, l’une des principales zones d’habitat de l’indri. «Notre projet vise à reboiser les forêts à partir d’arbres indigènes, à recueillir des données sur la population actuelle d’indris et à sensibiliser adultes et enfants au sein de dix villages situés autour de Maromizaha», résume Clarissa Puccioni. Avec le concours du Groupe d’étude et de recherche sur les primates de Madagascar et de l’université de Turin, WSO forme localement des guides pour comptabiliser les indris, mène des actions éducatives dans les écoles et favorise la participation directe des habitants dans la protection des lémuriens. Selon WSO, la population prend ainsi progressivement conscience «de la valeur culturelle et économique des lémuriens et de leur habitat».
Mais le chemin reste long, comme le souligne le chercheur au Centre de l’économie de l’environnement de Montpellier Sébastien Desbureaux : «Pendant des siècles, l’indri était auréolé de nombreuses légendes. Cette tradition orale a longtemps contribué à sa sauvegarde car il était tabou de le manger. Mais les migrations au sein de l’île malgache ont mis à mal ces traditions.»
«Impact sur la faune reste difficile à mesurer»
Parallèlement, la déforestation gagne du terrain : «Avec l’université britannique de Bangor, nous venons de publier une évaluation d’impact sur l’environnement de l’immense mine de nickel d’Ambatovy, située non loin de l’aire protégée de Maromizaha. Cette mine a détruit 1 600 hectares de forêts qui abritaient des espèces menacées, notamment l’indri. Un programme de compensation écologique a été engagé autour de ce site, mais son impact sur la faune reste difficile à mesurer», reconnaît le spécialiste de Madagascar, pays dans lequel il a travaillé plusieurs années.
Selon ce chercheur, plus de 12 000 programmes de compensation de biodiversité ont été engagés dans le monde, mais moins de 0,05 % d’entre eux ont été évalués de façon indépendante.