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Libération
Interview

L’endométriose au programme des études de médecine, «enfin une reconnaissance»

Pour la présidente de l’association Endofrance, Yasmine Candau, l’intégration de l’endométriose au programme de second cycle est une avancée importante. Mais la formation des personnels déjà en poste et la recherche sur cette maladie restent insuffisantes.
Lors de l'EndoMarch en mars 2018 à Paris. (Alain Jocard/AFP)
publié le 27 mars 2021 à 14h06

Quinze ans après leur première demande. Depuis la création d’Endofrance, les membres de l’association de patientes réclamaient continuellement la même chose : que l’endométriose soit intégrée au programme des études de médecine. Alors que l’association a commencé à rencontrer les pouvoirs publics en 2005 à ce sujet, elle a fini par obtenir gain de cause il y a quelques mois. Par un arrêté du 2 septembre, l’endométriose est officiellement entrée dans le programme de second cycle des études de médecine. Une avancée que salue la présidente d’Endofrance, Yasmine Candau.

Pourquoi la formation initiale des médecins était-elle centrale pour une meilleure prise en charge ?

C’est enfin une reconnaissance. A cause de l’absence de formation jusque-là, il se passe en moyenne six ans entre les premiers symptômes et le diagnostic de l’endométriose, puis il faut compter une année de plus pour que la maladie soit prise en charge efficacement. Les femmes nous racontent souvent avoir dû consulter plusieurs médecins qui leur disaient que tout était normal, que c’était dans leur tête… A leur décharge, les médecins, s’ils ne sont pas formés, ne peuvent pas penser à ce diagnostic.

Il y a peu, un gynéco m’a dit qu’il venait de faire sa première intervention dans un cours pour les futurs médecins généralistes. C’est génial. Mais le problème, c’est que ces médecins, il leur reste plusieurs années d’études avant d’arriver en exercice.

Qu’en est-il des médecins déjà en poste qui n’ont pas reçu de formation spécifique ?

Les former, c’est une de nos demandes. Un mooc [des cours accessibles à tous gratuitement sur Internet, ndlr], financé par le ministère de la Santé et porté par l’ARS d’Ile-de-France, sera lancé prochainement. Il sera composé de courtes vidéos sur la prise en charge de l’endométriose. Mais un médecin ne va pas forcément prendre le temps de les regarder, cela reste une démarche volontaire, non obligatoire. Il existe aussi depuis plusieurs années des congrès avec des journées dédiées à l’endométriose, mais là encore, tous les médecins généralistes et gynécologues n’y assistent pas forcément.

Quelle est la prochaine étape afin de continuer à améliorer la prise en charge ?

En France, cette maladie reste le parent pauvre des financements de recherche. Avec Endofrance, depuis 2016, on a versé plus de 200 000 euros à des équipes médicales qui travaillent sur l’endométriose grâce aux dons. Une somme énorme pour une association de patientes bénévoles, sans subvention publique. Mais c’est un grain de sable par rapport aux besoins. Notre priorité, maintenant que la question de la formation initiale des médecins est réglée, c’est qu’un budget spécifique soit dédié à la recherche.

L’amélioration des filières de soin est aussi centrale. On veut que les médecins généralistes soient mieux informés sur les praticiens vers lesquels orienter leurs patientes si une endométriose est suspectée. L’idée est de proposer une stratégie au long cours, car le suivi ne doit pas s’arrêter au moment du diagnostic.

Je me mets aussi à rêver qu’un jour, il n’y aura plus d’endométrioses sévères et profondes parce qu’elles auront toutes été diagnostiquées avant et que les patientes auront été entendues dans leur souffrance. Ce n’est pas pour demain, mais je me dis que c’est ça, en réalité, la prochaine étape.