Le banc de touche paraît bien loin pour Christophe Galtier. C’est celui des prévenus que l’ancien entraîneur de l’OGC Nice a rejoint ce vendredi 15 décembre. Le coach est accusé de discrimination et de harcèlement devant le tribunal correctionnel de Nice. Dans une audience fleuve, la cour plonge dans 75 procès-verbaux, entre fixette sur le ramadan et réflexions sur le nombre de «noirs et d’arabes» au sein l’équipe. Comme sur la pelouse, onze joueurs de la saison 2021-2022 sont cités ainsi que certains membres du staff – tous absents. «Il y a des propos faux, il y a des propos déformés», se défend farouchement Galtier à la barre. Sans vraiment convaincre. Le parquet a requis 12 mois d’emprisonnement avec sursis, 45 000 euros d’amende et une inéligibilité de 3 ans.
L’affaire commence dans l’émission l’After foot de RMC en septembre 2022. Derrière le micro, l’ancien directeur général de l’OGC Nice, Julien Fournier, évoque les causes de sa mésentente avec Christophe Galtier. «Si j’explique les vraies raisons, Christophe ne rentrera plus dans un vestiaire ni en France, ni en Europe», assène-t-il. Il faudra attendre six mois, toujours à la radio, pour révéler le brouillon d’un mail écrit par Julien Fournier à son supérieur d’Ineos, propriétaire de l’OGC Nice. Lors d’une réunion le 9 août 2021, Galtier aurait tenu «des remarques tout à fait inacceptables». Notamment : «On ne peut pas avoir une équipe qui ne me ressemble pas et qui ne ressemble pas à la ville, rapporte encore Julien Fournier aux policiers. Il faut avoir conscience de la ville dans laquelle on évolue, on est dans la ville de Jacques Médecin [maire de Nice de 1966 à 1990, ndlr]. On ne peut pas avoir autant de noirs et d’arabes dans l’équipe.» Le parquet se saisit sans plainte. Le 13 avril, les policiers commencent l’enquête pour discrimination.
«Il aurait aimé ne pas avoir de musulmans»
Christophe Galtier, 57 ans, tombe la veste pour esquiver chaque accusation. Oui, il a entendu ce «genre de remarques» au restaurant à Nice, que «jamais» il n’avait entendues quand il entraînait à Lille ou Saint-Etienne. Mais dire qu’il y a trop de musulmans ? «C’est faux.» Affirmer qu’il est inacceptable d’avoir un entraîneur de la réserve converti à l’islam ? «C’est faux.» Inviter à voter Rassemblement national ? «C’est faux.» Qualifier d’extrémiste un joueur musulman qui ne rompt pas le jeûne un jour de match ? «C’est déformé.» Tous ces propos auraient été tenus tantôt dans son «bureau en open-space», tantôt sur le parking, tantôt sur le bord du terrain. Jamais, se récrie Galtier. Le coach aurait encouragé ses joueurs pendant un match à attaquer contre «les deux King Kong», pour parler de deux défenseurs de couleur. «Je me souviens. J’ai hésité à dire molosses, argumente l’ancien coach de l’OGCN. Pour moi c’est la force, c’est la puissance. Il n’y a pas de signification de race.»
Le plus bavard devant les enquêteurs est Frédéric Gioria. L’ancien adjoint de Galtier s’épanche : «Il aurait aimé ne pas avoir de musulmans dans l’équipe. Il ne me l’a pas dit, mais on sentait qu’il était irrité par ça.» Le mercato rythme la mi-saison. Sur les recrutements, l’adjoint aurait entendu le coach affirmer : «Encore un musulman, je n’en veux pas, on en a assez.» Jusqu’au transfert d’indésirables vers d’autres clubs ou à leur mise à l’écart pour les matchs : des choix guidés par l’idéologie ou la performance ? Difficile à démontrer. Le jeûne provoque «30 % de baisse de performance, indique le directeur médical du PSG, Dr Hakim Chalabi, témoin cité par la défense. Il y a un risque sur la performance et une recrudescence de blessures musculaires. Cette notion n’est jamais discutée. C’est un sujet tabou alors que c’est un sujet de santé.»
«Ce dossier, c’est du vent»
C’est en août 2021 que Christophe Galtier prend la tête du vestiaire niçois. Une saison en demi-teinte pour le détenteur du titre de champion de France, obtenue l’année d’avant avec le Losc : certes une qualification en Europa League mais une cinquième place en championnat, certes une finale de Coupe de France mais perdue face à Nantes. Dès le stage de présaison, les relations se tendent entre Galtier et Fournier. Elles ne feront que s’envenimer. «C’est une grande manipulation de la part de ce monsieur, enrage Galtier à la barre. C’est terrible de sortir de tels mensonges avec les conséquences que ça peut avoir.» Les enquêteurs n’ont pas procédé à une confrontation entre les deux hommes, point essentiel relevé par la défense pour la demande d’exception en nullité versée au fond. En parallèle, Galtier a porté plainte pour dénonciation calomnieuse. Après une saison au PSG, il manage désormais le club qatari d’Al-Duhail. Depuis trois mois, lui et ses enfants vivent sous protection rapprochée du fait d’un «bombardement de messages et de menaces».
Pour son avocat Me Schapira, «ce dossier c’est du vent, c’est des bruits de couloir, c’est de la rumeur». Parole contre parole. «Pour que les joueurs de confession musulmane puissent être à l’heure de la prière, j’avançais l’horaire de l’entraînement et je donnais l’autorisation de ne pas déjeuner, se défend Galtier. Je leur disais simplement de partir avec leur take-away. Ils pouvaient assister à la prière du vendredi.» La décision a été mise en délibéré et sera rendue jeudi prochain.