L’expression japonaise hitoyo-tsuma («épouse d’une nuit») peut se traduire par «prostituée». Elle tire son origine d’une coutume très particulière qui consistait à offrir, l’espace d’une nuit, sa femme ou sa fille à un hôte de passage. Cette coutume dont l’existence est avérée jusqu’au début du XXe siècle «permettait d’apporter du sang neuf à la famille et se hisser socialement si l’hôte reconnaissait l’enfant né de cette union», explique le chercheur Eric Faure, qui répond à nos questions depuis Kyôto, où il vit depuis maintenant trente ans. Passionné par les légendes japonaises, Eric Faure s’en est fait une spécialité : il les collectionne comme des papillons, émerveillé de voir l’extraordinaire vitalité de ces histoires dont certaines remontent à plus de mille ans… Dans De Kyōto à Dazaifu. Un voyage dans les légendes de l’ancien Japon (à paraître le 19 octobre aux Presses universitaires de Rennes), il consacre notamment un chapitre à ces étranges «épouses», chargées de recueillir la précieuse semence des visiteurs de marque. A quand remonte ce geste d’hospitalité ? Pourquoi a-t-il fini par désigner la prostitution ?
«L’expression apparaît pour la première fois dans le Man’yôshû [la première anthologie de poèmes japonais, datant de 760, ndlr], explique Eric Faure. Mais sa signification pose problème.» Tel est le poème : «Des pluviers chantent sur le pas de ma porte. Lève-toi, lève-toi. Mon épouse d’une nuit, ne le dis à personne.