Menu
Libération
Les 400 culs

L’«épouse d’une nuit», un fantasme de légende au Japon

Article réservé aux abonnés
Blog Les 400 culsdossier
Une vieille règle d’hospitalité voulait que l’on offre sa femme ou sa fille à un visiteur important. Dans son livre «De Kyôto à Dazaifu», le chercheur Eric Faure retrace l’histoire de cette pratique.
Au Japon, certaines agences d’escort-girls ne proposent à leurs clients que des femmes «d’un certain âge», c’est-à-dire de plus de 30 ans, soit l’âge des femmes mariées. (DR)
publié le 7 octobre 2023 à 9h48

L’expression japonaise hitoyo-tsuma («épouse d’une nuit») peut se traduire par «prostituée». Elle tire son origine d’une coutume très particulière qui consistait à offrir, l’espace d’une nuit, sa femme ou sa fille à un hôte de passage. Cette coutume dont l’existence est avérée jusqu’au début du XXe siècle «permettait d’apporter du sang neuf à la famille et se hisser socialement si l’hôte reconnaissait l’enfant né de cette union», explique le chercheur Eric Faure, qui répond à nos questions depuis Kyôto, où il vit depuis maintenant trente ans. Passionné par les légendes japonaises, Eric Faure s’en est fait une spécialité : il les collectionne comme des papillons, émerveillé de voir l’extraordinaire vitalité de ces histoires dont certaines remontent à plus de mille ans… Dans De Kyōto à Dazaifu. Un voyage dans les légendes de l’ancien Japon (à paraître le 19 octobre aux Presses universitaires de Rennes), il consacre notamment un chapitre à ces étranges «épouses», chargées de recueillir la précieuse semence des visiteurs de marque. A quand remonte ce geste d’hospitalité ? Pourquoi a-t-il fini par désigner la prostitution ?

«L’expression apparaît pour la première fois dans le Man’yôshû [la première anthologie de poèmes japonais, datant de 760, ndlr], explique Eric Faure. Mais sa signification pose problème.» Tel est le poème : «Des pluviers chantent sur le pas de ma porte. Lève-toi, lève-toi. Mon épouse d’une nuit, ne le dis à personne.