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Asile

Les agents de l’Ofpra en grève contre «un rythme infernal» et la «politique du chiffre»

Les organisations syndicales de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ont appelé leurs agents à une journée de grève ce jeudi 26 octobre pour exprimer leurs craintes sur le projet de loi immigration. Une première depuis cinq ans.
Dans les bureaux de l'Ofpra à Fontenay-sous-Bois, en juin 2015. (Albert Facelly/Libération)
publié le 26 octobre 2023 à 14h21

«De nombreux agent·e·s craquent et ne voient d’autre choix que de quitter l’Office.» Ce jeudi 26 octobre, les organisations syndicales de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ont appelé leurs agents à une journée de grève pour dénoncer la «politique du chiffre». C’est la première fois depuis cinq ans que les représentants syndicaux de cet organe chargé d’attribuer le statut de réfugié appellent au débrayage.

Dans un communiqué unitaire, les syndicats majoritaires de l’Ofpra, la CGT Ofpra et l’Action syndicale libre /Ofpra (Asyl) déplorent des politiques institutionnelles qui conduisent à «la dégradation des conditions de travail de ses agent·e·s et des conditions d’accueil de ses usagères et usagers pourtant vulnérables». En cause, «l’obsession des gouvernements successifs» pour raccourcir les délais d’instructions des dossiers de demandes d’asiles qui «met sous pression les agent·e·s».

L’an dernier, l’Ofpra a rendu 134 500 décisions, dans un délai moyen de quatre mois soit le plus faible délai depuis quinze ans. Suivant le «contrat d’objectifs et de performance» signé par la direction de l’Ofpra et les ministères de l’Intérieur et du Budget, chaque employé doit rendre plus de 360 décisions par an. «Ce chiffre est devenu le seul critère d’évaluation de leur travail.»

«S’improviser enquêteurs»

Les quelque 500 officiers de protection, qui font passer les entretiens aux demandeurs d’asile, «sont ainsi soumis à un rythme infernal alors même qu’ils doivent se conformer à des procédures de plus en plus complexes et s’improviser enquêteurs afin de détecter des personnes susceptibles de représenter une menace pour l’ordre public», nouvelle priorité du gouvernement, ont encore dénoncé les syndicats.

«Avec cette double injonction du chiffre et de la prise en compte des troubles à l’ordre public, c’est difficile de prendre en compte les besoins de protection», défend Anouk Lerais, de la CGT Ofpra. Avec l’Asyl, l’organisation syndicale avait déposé un préavis de grève le 20 octobre et appelé à un rassemblement devant le siège de l’office à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne).

La loi immigration dans le viseur

Cet appel à la grève surgit à l’aube de l’examen au Sénat du projet de loi immigration, le 6 novembre, qui n’a rien pour rassurer les représentants syndicaux, qui craignent une perte d’indépendance l’Ofpra. Ce texte de loi porté par Gérald Darmanin ambitionne d’éclater certains services de l’Ofpra dans les futurs pôles «France Asile» qui réuniraient les services de l’Ofpra et des préfectures dans les régions.

Cette sectorisation risquerait, selon les syndicats, de porter atteinte à l’intégrité à l’indépendance de l’Ofpra, pourtant garantie par la loi. La dernière fois que les agents de l’Ofpra avaient planté le piquet remonte à février 2018, le jour de la présentation en Conseil des ministres de la loi asile-immigration de Gérard Collomb.

Les grévistes souhaitent «une baisse de 25 % de l’objectif assigné aux agents», explique Henry de Bonnaventure, un responsable de l’Asyl. Pour cesser leur débrayage, les syndicats demandent également des recrutements et des moyens supplémentaires ainsi qu’une «réorganisation des services afin de mettre la qualité et l’humain au cœur du travail de l’Office.»

«Les préoccupations que traduit ce mouvement social […] sont légitimes, mais elles n’appellent pas nécessairement les réponses que réclament les organisations syndicales», a répondu le directeur général de l’Ofpra, Julien Boucher. «Plus de 200 emplois supplémentaires ont été créés à l’Office depuis 2019», a-t-il insisté. Le responsable assure vouloir répondre par la «discussion» au «signal fort» de cette grève. Les syndicats doivent être reçus dans l’après-midi.