Les femmes esclaves des diplomates
Plusieurs domestiques de diplomates d’ambassades parisiennes les accusent d’esclavage moderne. Pour la première fois, elles témoignent. «Libération» a enquêté sur les conditions de vie et les violences qu’elles disent avoir vécues au domicile de leurs employeurs, protégés par leur immunité diplomatique.
Trois ans après s’être échappée du domicile de son employeur, Isa (1), 31 ans, claudique encore. Ses deux chevilles sont raides, endolories, tout comme son genou gauche et son dos encore marqués par plusieurs cicatrices d’une dizaine de centimètres. Elle peine à marcher et ne peut pas rester assise trop longtemps. Le temps de nous narrer son histoire, la Philippine aux cheveux châtains finit tout de même par s’installer sur une chaise, dans une position qui lui semble confortable. Elle commence par nommer le rang de celui qu’elle accuse de l’avoir réduite en esclavage et violée : un haut gradé, le général Khalid Ahmad Al Kuwari, ancien attaché militaire à Paris selon le Qatar, qui a eu notamment des responsabilités dans le centre de reconnaissance et de contrôle des frontières aériennes de l’Emirat et développait un programme de drones pour le pays. Le 31 mars 2016, sur un cliché, on le voit par exemple célébrer avec l’entreprise française Thales le contrat d’attribution du radar aéroporté de surveillance Searchmaster.
Les autres volets
Du 17 juin au 19 octobre 2021, Isa fut employée en tant que domestique par la famille Al Kuwari, d’abord au Qatar puis en France, dans un grand appartement de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) appartenant au couple. C’est là, dans une des communes les plus huppées de la banlieue parisienne, qu’elle affirme avoir été retenue captive. De là aussi qu’elle s’est échappée par la fenêtre du deuxième étage, suspendue à un drap trop court pour lui faire toucher le sol