Les femmes esclaves des diplomates
Plusieurs domestiques de diplomates d’ambassades parisiennes les accusent d’esclavage moderne. Pour la première fois, elles témoignent. «Libération» a enquêté sur les conditions de vie et les violences qu’elles disent avoir vécues au domicile de leurs employeurs, protégés par leur immunité diplomatique.
La vie d’Alicia (1) a basculé le 19 décembre 2018. Depuis un an et demi, cette Péruvienne exerçait comme domestique pour une famille aisée de Santiago, au Chili. Afin de subvenir aux besoins de ses six enfants restés au Pérou, elle s’occupait de la garde des trois garçons du couple (âgés de 17, 13 et 5 ans à l’époque), du ménage et de la cuisine au sein du foyer. Un travail «bien payé» (environ 500 euros par mois) selon son récit, avec des horaires définis (de 7 heures à 21 heures) et deux jours de repos le week-end. Mais en cet hiver 2018, la famille déménage à Paris, où le patron d’Alicia est nommé ambassadeur du Chili auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Lors de la campagne présidentielle, l’année précédente, qui a débouché sur la réélection de Sebastián Piñera, sa femme et lui ont activement soutenu le candidat. Le père de famille, Felipe Morandé, a été son ministre des Transports et des Télécommunications entre 2010 et 2011, lors du premier mandat de l’élu de droite. La mère, Carola Zuñiga Inostara, dirige une entreprise de communication.
L'épisode précédent
Cette nomination à Paris, «je crois que c’était une sorte de remerciement en sa faveur», estime Alicia, 56 ans aujourd’hui. Dans le secret du bel appartement haussmannien de la rue Eugène-Labiche (XVIe arrondissement), à moins de 200 mètres du si