Symbole de la gastronomie française et des fêtes de fin d’année, le foie gras est aussi un mets largement controversé à cause de la souffrance animale qu’il engendre. L’Alliance animale suisse, organisation regroupant trois organisations de défense des animaux, espère ainsi interdire l’importation de cette spécialité culinaire issue de l’élevage et de l’engraissement par gavage des oies et des canards. Et inscrire cette interdiction dans le marbre de la Constitution suisse.
Ce jeudi 28 décembre à 14 heures, une liste de plus de 100 000 signatures helvétiques recueillies et certifiées – un nombre plancher requis en Suisse pour déclencher un vote d’initiative populaire – a été déposée solennellement à la chancellerie fédérale de Berne. L’association de défense des animaux est parvenue à rassembler ces paraphes favorables au «Oui à l’interdiction d’importer du foie gras» au terme d’une campagne lancée en juin 2022.
«Le gavage est une technique déjà interdite en Suisse depuis une cinquantaine d’années. Mais pour autant, la consommation de ces produits reste possible grâce au contournement de la loi par le biais de l’importation. C’est cette contradiction et cette hypocrisie totale que l’on veut combattre», dénonce Luc Fournier, porte-parole de l’Alliance animale suisse. «Si l’on décide d’interdire le gavage des animaux, alors il faut interdire tous les produits qui nécessitent l’usage de cette technique ignoble», ajoute-t-il.
La Suisse parmi les principaux importateurs de foie gras
Au cours des dix-huit mois octroyés pour le recueil de signatures, Luc Fournier a observé une véritable opposition à l’interdiction du foie gras parmi une certaine partie de la population, qui considère «ce mets comme tellement excellent que la souffrance endurée par les animaux passe au second plan». Lui et son association ont alors mis en exergue les conditions utilisées pour le gavage forcé des animaux, un «véritable acte de cruauté». Le foie gras est le résultat d’une maladie, la stéatose hépatique, contractée après avoir fait avaler de force des grandes quantités de nourriture à l’animal.
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Avec 200 tonnes de foie gras importées annuellement, «la Suisse se positionne malheureusement comme l’un des principaux importateurs de ce produit. Chaque année, 400 000 canards et 12 000 oies sont tués afin de répondre spécifiquement à la demande de notre pays», dénonce l’organisation dans un communiqué. Par ailleurs, la France se présente comme le principal fournisseur de nos voisins helvètes de cette spécialité prise d’assaut au cours du mois de décembre.
«En Suisse, et tout particulièrement en Suisse romande, consommer du foie gras pendant les fêtes est devenu une tradition aussi importante que chez vous en France», relève Luc Fournier, également président de l’association de protection des animaux Animal Equité. «Près de 70 % des Suisses romands consomment du foie gras, contre seulement 20 % en Suisse allemande. C’est pourquoi nous avons axé notre campagne de communication dans cette première région, celle qui est la plus concernée», poursuit-il.
Plusieurs étapes avant l’interdiction formelle
Le porte-parole de l’organisation tempère pourtant : «Nous ne voulons pas interdire le produit en lui-même, mais seulement sa méthode, le gavage. Nous restons ouverts à l’émergence d’une nouvelle façon plus éthique de produire cette spécialité.» Plusieurs entreprises proposent d’ailleurs aujourd’hui du foie gras «éthique», fabriqué «sans tuer de canard».
Mais même après le recueil et le dépôt de ces plus de 100 000 signatures, l’interdiction d’importer du foie gras en Suisse ne sera pas prononcée de manière imminente. Les signatures déposées par l’Alliance animale suisse vont dans un premier temps être vérifiées. Des discussions vont ensuite s’initier entre le gouvernement et les organisations à l’origine de l’initiative populaire. Le but sera de trouver un terrain d’entente. «Si les discussions entre le gouvernement et les organisations aboutissent, l’article tel qu’il est écrit, ou bien un contre-projet négocié, sera automatiquement inscrit dans un projet de loi. Au contraire, en cas de refus et de blocage des discussions, le gouvernement suisse est tenu d’organiser une votation sur notre proposition initiale, vote qui devrait se tenir d’ici à 2026 ou 2027», détaille Luc Fournier.
Une majorité des votants serait alors nécessaire pour interdire constitutionnellement l’importation de foie gras et de produits à base de cet abat. Mi-septembre, le Parlement suisse avait lui, de son côté, refusé d’interdire l’importation de foie gras, tout comme le gouvernement fédéral. Les associations de défense des animaux espèrent une issue différente de la part de la population.