Lin était une esclave moderne. Cette domestique philippine a vécu douze ans chez ses employeurs, un couple franco-libanais. Un jour de juillet 2022, elle a décidé de s’enfuir du pavillon près de Paris, où elle était enfermée. Depuis ses premiers instants de liberté et pendant près d’un an, Libération a suivi cette mère de famille de 45 ans, rencontré ses enfants à Manille et partagé le quotidien d’une de ses compatriotes. Un récit en quatre volets sur une communauté exploitée partout dans le monde.
Une tête brune surgit à la fenêtre du rez-de-chaussée d’une demeure bourgeoise de la banlieue parisienne. Ses yeux roulent à gauche, à droite ; à gauche, à droite puis elle se volatilise. Elle réapparaît une minute plus tard, jette une imposante valise blanche à bout de bras par l’ouverture avant d’en escalader elle-même les montants. On l’entend courir à toute vitesse sur les graviers de la résidence. Elle pousse l’imposant portail en fer forgé et se carapate dans les rues voisines sans se retourner.
Au bout de cette course à laquelle Libération a assisté, Lin (1) rejoint des membres du Comité contre l’esclavage moderne (CCEM), qui l’attendent à quelques mètres de là. Ce sont eux qui ont guidé sa fuite au téléphone. La petite brune au visage rond est une domestique philippine retenue captive par un couple franco-libanais fortuné. Une esclave moderne. Nous sommes début juillet 2022, la chaleur estivale est écrasante. Dix jours plus tôt, ses employe