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Libération
Précarité

A la veille de la rentrée, 1 600 élèves pourraient faire leurs devoirs dans la rue

Le Collectif des associations unies, la FCPE et le collectif Jamais sans toit lancent ce mardi un réseau national d’aide et appellent l’Etat à prendre ses responsabilités.
Des membres de familles sans-abri dont les enfants sont scolarisés se tiennent près de leur voiture après avoir passé la nuit dans un refuge avec l'aide de l'association caritative Jamais sans toit, à Lyon le 27 novembre 2014. (Jeff Pachoud/AFP)
publié le 30 août 2022 à 19h33

«Pourquoi tu ne manges pas ? Pourquoi tu ne dors pas ? Pourquoi tu pleures ? Pourquoi on déménage à chaque fois ?» Ces questions, ce sont celles que Falou, 5 ans, pose chaque soir à sa mère Aminata. Ballottés de logement en logement depuis sa naissance, leur situation ignorée par le 115, Falou et sa mère n’ont plus d’hébergement à partir de ce vendredi, après que la mairie d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) a trouvé une dernière solution d’urgence pour cet été. «Mon fils a déjà beaucoup maigri. Il est très fatigué», s’inquiète Aminata, toujours en attente d’une régularisation de ses papiers. Dans deux jours, Falou reprendra le chemin de l’école pour sa rentrée en grande section. Il sera donc le jour en classe, la nuit à la rue.

D’après le Collectif des associations unies et la FCPE, qui faisaient une conférence commune mardi 30 août, au moins 1 600 élèves étaient sans-abri cet été, soit 86% de plus qu’en début d’année. Ce chiffre, correspondant au nombre de demandes non pourvues auprès du 115, pourrait même être largement en dessous de la réalité. «C’est a minima car on sait que certaines familles n’appellent plus», rappelle lors d’une conférence de presse Nathalie Latour, directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité. Outre la situation des élèves sans toit, 50 000 enfants en France vivent dans des bidonvilles, squats et logements sociaux temporaires.

307 enfants lyonnais relogés

Selon Nathalie Latour, ces conditions de vie indignes à l’extérieur de l’école ont un impact inévitable sur la scolarité des enfants, qu’il s’agisse de «l’assiduité» ou «des liens sociaux avec d’autres élèves». C’est pourquoi deux jours avant la rentrée scolaire, les 39 associations du Collectif des associations unies, la FCPE et le collectif Jamais sans toit interpellent les pouvoirs publics et lancent un réseau d’aide aux élèves sans-abri. Pour ce faire, les assos ont notamment mis en place un «Toitoriel», sorte de guide pratique à l’usage des personnes qui souhaitent soutenir les familles sans-abri des écoles, collèges et lycées.

Cette initiative solidaire existe déjà dans la métropole lyonnaise, justement sous la houlette du collectif Jamais sans toit. Depuis 2014, parents d’élèves, professeurs et citoyens organisent des goûters solidaires et occupent les établissements scolaires avec des familles d’élèves à la rue, le plus souvent en dormant dans les gymnases. Par le biais des occupations, «les enfants sans-abri deviennent soudainement très visibles», souligne Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé-Pierre. A Lyon et dans sa banlieue, les résultats sont nettement visibles. «Sur les 179 familles accompagnées durant l’année scolaire 2021-2022, 134 ont trouvé une solution d’hébergement, soit 307 enfants sortis de la misère, expose Anne-Sophie Huchard, l’une des membres de ce collectif. Mais il reste encore 45 familles et 111 enfants sur le carreau.»

«Sortir de la logique d’urgence»

Alors que la politique du relogement est principalement à la charge de l’Etat, les associations tirent la sonnette d’alarme au moment où le nombre de places d’hébergement d’urgence doit prochainement être réduit de 10 000. Manuel Domergue constate également une forte «hausse des expulsions locatives et des expulsions de squats» depuis le début de l’été. Ajouté à cela un parc d’hébergement saturé sur de nombreux territoires et plus largement une crise du logement nationale.

A long terme, Anne-Sophie Huchard milite pour régler le problème à la racine et ne plus être dans une logique de réparation. «Il est urgent de sortir de la logique d’urgence, de construire des solutions pérennes pour ces familles sans-abri», juge la représentante du collectif Jamais sans toit. Pour Nathalie Latour, les enfants sont les premières victimes collatérales «de politiques publiques cloisonnées». Et appelle à une meilleure concertation entre les ministères du Logement et de l’Education.