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Interview

A Lyon, le maire Grégory Doucet «attend du gouvernement un engagement» sur l’hébergement d’urgence

Alors qu’un bailleur social a confié un bâtiment à la municipalité lyonnaise pour héberger 160 mineurs non accompagnés, l’édile écologiste déplore l’absence de volonté politique au sommet de l’Etat dans la lutte contre le sans-abrisme.
Dans le IXe arrondissement lyonnais, l'école Montel a été transformée en centre d'hébergement d'urgence, le 19 janvier. (Romain Etienne/Item pour Libération)
par Maïté Darnault, correspondante à Lyon
publié le 18 décembre 2024 à 11h00

A Lyon, la municipalité estime que 500 enfants sont en situation d’hébergement très précaire. Parmi eux, 150 dorment à la rue, dans des squats, des voitures ou des écoles, alors que les températures sont glaciales la nuit depuis plusieurs semaines. Le maire écologiste de la ville, qui vient d’annoncer un partenariat avec le bailleur social Axentia pour mettre à l’abri des jeunes à la rue, pointe le manque de volonté politique au sommet de l’Etat afin de relayer les efforts des collectivités locales dans leur lutte contre le sans-abrisme.

Comment agissez-vous contre le sans-abrisme?

Sur cette question, les précédents gouvernements sont restés soit timorés, soit inactifs. C’est l’inverse de ce que nous avons décidé avec mon exécutif. Lutter contre le sans-abrisme, c’est aussi améliorer la sécurité dans la ville. Dormir à la rue, dans un square, dans un squat, c’est synonyme d’une insécurité permanente pour les personnes, en particulier les femmes, les enfants. On est soumis à de multiples risques quand on est dehors. C’est en assurant la première des sécurités, celle d’avoir un toit, un logement ou un hébergement pour pouvoir se reposer, que nous avons décidé d’agir. J’ai pris l’engagement qu’il n’y ait plus aucun enfant à la rue, cela restera une priorité jusqu’à la fin de mon mandat. Depuis 2020, nous avons multiplié par 34 le budget engagé, en passant de 70 000 euros à 2,4 millions d’euros consacrés à l’hébergement d’urgence. C’est une réponse à la crise actuelle et une action de long terme car nous enrichissons des dispositifs existants.

Vous annoncez une collaboration avec un organisme privé, un bailleur social, pour mettre à l’abri près de 160 jeunes hommes qui vivent sous des tentes dans le square Béguin. Pourquoi cette initiative ?

Ces jeunes survivent dans des conditions terribles, j’ai alerté à plusieurs reprises les services de l’Etat, sans succès. Dans le contexte hivernal, avec la chute des températures, les risques d’une présence de longue durée dans un espace public se développent avec des phénomènes tels que la prostitution, la traite des êtres humains. Je préfère leur offrir la possibilité d’avoir un toit sur la tête et de se reconstruire, sachant que beaucoup ont déjà des parcours de vie très lourds. On fait cette opération avec une entreprise engagée. L’année dernière, on en avait fait une avec le diocèse. C’est le signe que Lyon reste une grande ville de la solidarité, où l’humanisme se traduit en actes. On n’arrive pas pour autant à résoudre toutes les situations mais c’est un pas dans le bon sens. Je cherche à être du côté des solutions, quand bien même je n’ai pas tous les leviers en main.

Qu’en est-il de la responsabilité de l’Etat ?

Nous ne disposons pas sur le territoire de la métropole lyonnaise d’un nombre de places d’hébergement d’urgence suffisant. C’est un constat que nous partageons avec les services locaux de l’Etat et nous cherchons ensemble des solutions concrètes. Le problème est en amont, à Paris. L’ex-ministre du Logement Patrice Vergriete nous avait promis en janvier 120 millions d’euros pour créer des places supplémentaires dans tout le pays, on n’en a pas vu la couleur. J’attends du gouvernement un engagement. La métropole de Lyon respecte quant à elle le droit. Les jeunes du square Béguin sont pour un certain nombre en situation de recours. Leur minorité n’a pas été retenue dans un premier temps et ils attendent la décision du juge. Pendant cette période, c’est à l’Etat de les prendre en charge. A l’Assemblée nationale et au Sénat, l’envie de faire évoluer les textes de loi sur le sans-abrisme est là. Quand la députée Les Ecologistes Marie-Charlotte Garin porte avec le député Ensemble pour la République Lionel Causse un texte pour y mettre fin, on a la démonstration qu’on peut créer du consensus sur certains sujets, qu’on n’est pas en situation de blocage, si tant est qu’on s’attache aux questions prioritaires. En tant qu’exécutif local, je prends ma part. Mais il faut que les autres pouvoirs, notamment publics, s’engagent.

L’hiver 2024, vous avez déposé, en même temps que les maires écologistes et socialistes de Bordeaux, Grenoble, Strasbourg et Rennes un recours auprès du tribunal administratif pour rappeler à l’Etat ses obligations en matière d’hébergement d’urgence. Où en est cette procédure ?

Le recours est toujours en cours. Je vous annonce que de nouveaux recours seront déposés prochainement, au premier trimestre 2025, pour les mises à l’abri réalisées depuis le dernier recours, puisque nous tenons un décompte précis des sommes engagées, afin de faire valoir auprès de l’Etat que nous nous sommes substitués à ce qu’il devait réaliser et qu’il doit nous rembourser. Il faut que le prochain gouvernement s’engage à honorer les engagements pris par le précédent ministre du Logement.