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Exposition

Architecture : déconfinée, la fenêtre sort du cadre

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Réinvestie par les citadins pendant le confinement, la fenêtre fait l’objet de toutes les attentions architecturales. Elle est à l’honneur d’une exposition au Pavillon de l’Arsenal.
«Scénarios futurs». Dispositifs de façade post-confinement. Cyrus Ardalan, Ophélie Dozat, Lucien Dumas. (Scénarios futurs)
publié le 11 octobre 2021 à 21h45

Ténor qui chante de l’opéra, applaudissements à 20 heures, DJ pour un balcon-concert, cours de gymnastique, apéro entre voisins ou encore simple sieste au soleil : pendant le confinement, la fenêtre a été, pour les citadins cloîtrés, une échappée vers le monde extérieur, lieu d’évasion individuelle mais aussi de rencontres et d’expériences collectives.

Objet de détournements fonctionnels, le cadre en bois ou PVC a allègrement outrepassé sa fonction initiale de source de lumière et d’aération. Pour «transformer l’expérience du confinement en potentiel architectural», le Pavillon de l’Arsenal, à la fois centre de documentation et lieu d’exposition, a lancé un concours dans le cadre de « FAIRE », son incubateur de projets urbains innovants.

Lauréat de FAIRE 2020, «Scénarios futurs. Dispositifs de façade post-confinement», porté par les architectes Cyrus Ardalan, Ophélie Dozat et Lucien Dumas, est visible jusqu’au 7 novembre. Il présente 60 dessins – et un prototype – de ces percées murales qui hybrident joyeusement l’intérieur et l’extérieur, l’intime et le social, le privé et le public.

Du salon de thé à la balançoire coquine

«Le projet est né d’une forme de rêverie, pendant le confinement, explique Ophélie Dozat à Libération. On a conçu des dispositifs qui se greffent aux façades pour offrir des mètres carrés supplémentaires au logement.» Une extension à la portée de tous: «L’idée, c’est que chacun peut le faire, qu’on peut engager de nouvelles fonctions à notre appart sans être architecte.»

Le prototype exposé au Pavillon est une «assise tournante, en balcon. Un isoloir domestique qui peut s’ouvrir à la ville grâce à un système de voile rétractable. Une structure qui fonctionne, autoportante, et qui peut être construite par chacun». Les autres dispositifs font, eux, la part belle à l’imagination : un salon de thé, une «bulle d’apéro Skype», une balançoire coquine, un barbecue, un sauna, un studio de chants, une épicerie. Une dimension utopique assumée qui vise à repenser la relation à l’extérieur pour que la façade ne soit pas une prison.

Paris, «ville muséifiée»

En pratique, le confinement a servi de «crash-test» au parc de logements français. Une étude récente de l’Institut des hautes études pour l’action dans le logement (Idheal), qui a passé au crible des milliers de plans de programmes neufs, a montré qu’en vingt ans le «confort d’usage» des logements a baissé. Si 80 % des plans étudiés présentent «au moins un espace extérieur», ce qui est un progrès, deux tiers des balcons ont une profondeur de moins d’1,50 m, permettant difficilement d’y installer une petite table ou d’y faire sécher du linge. Quand la loggia ne sert pas de lieu de stockage, faute de placards.

Mais la relation à l’extérieur et la luminosité priment désormais dans les programmes des architectes. En témoigne l’immeuble construit par Vincent Parreira rue de Tolbiac, à Paris, dont chaque appartement, doté d’une terrasse de 15 m2, est résolument tourné vers le dehors. Des terrasses communes ont aussi été prévues pour favoriser la convivialité. De son côté, l’agence Anyogi Beltrando architectes a métamorphosé la façade austère d’un bâtiment de l’ancienne caserne de Reuilly : de larges baies vitrées s’ouvrent sur un balcon ou une terrasse, faisant entrer le ciel dans le salon.

Le neuf et l’ancien ne sont pas à égalité. «Dans l’ancien, il y a des contraintes, reconnaît Ophélie Dozat. A Paris, on est dans un espace figé, c’est une ville façade. Mais il faut essayer de s’extraire de ces normes constructives imposées par la ville muséifiée, aller au-delà du PLU.» Cela tombe bien, la ville de Paris est en train de réviser son Plan local d’urbanisme, et les Parisiens sont appelés à donner leur avis. Suggestion : libérer les fenêtres !

«Scénarios futurs. Dispositifs de façade post-confinement», par Cyrus Ardalan, Ophélie Dozat et Lucien Dumas, architectes et lauréats FAIRE 2020, au Pavillon de l’Arsenal (Paris IVe), jusqu’au 7 novembre.