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Crise

Construction, transformation de bureaux, colocation… Le gouvernement creuse sur le logement étudiant

Les ministères de l’Enseignement supérieur et du Logement ont dévoilé plusieurs pistes ce vendredi 1er décembre dans l’objectif de faire sortir de terre 35 000 logements étudiants supplémentaires d’ici la fin du quinquennat.
Une résidence étudiante à Saint-Denis, le 4 novembre 2020. (Cyril Zannettacci/Vu pour Libération)
publié le 1er décembre 2023 à 16h50

Etre étudiant et connaître d’immenses difficultés pour se loger fait presque aujourd’hui figure de pléonasme. Pour tenter de remédier à la paupérisation croissante du milieu étudiant, les ministères de l’Enseignement supérieur et du Logement ont dévoilé ce vendredi 1er décembre plusieurs pistes de travail : identifier le foncier public disponible pour le transformer en logement, convertir les bureaux vacants ou encore inciter à plus de colocation dans le parc social.

Pour le premier point, la Première ministre Elisabeth Borne avait promis mi-novembre la construction de 35 000 logements étudiants supplémentaires (outre les 30 000 déjà engagés) d’ici à trois ans. Le ministre délégué chargé du logement, Patrice Vergriete, a précisé ce vendredi sur France Info que «8 000» chantiers de «logement social étudiant» seront lancés «dès l’année prochaine».

«Le manque de foncier disponible est la principale limite à lever. Il faut pour cela mobiliser toutes les parties prenantes», soulignent-ils. Pour y parvenir, les deux ministères souhaitent que «les fonciers de l’Etat disponibles puissent être mis gratuitement à disposition des Crous». Quelque «11 200 logements pourraient être créés sur ce vivier», assurent-ils. Sans toutefois préciser par qui et quand.

«Non-recours» aux dispositifs d’aide

En attendant, chaque rentrée universitaire se transforme en «battle royal» entre aspirants locataires. L’offre de logement social étudiant est aujourd’hui d’environ 240 000 logements dans l’ensemble du pays, dont 175 000 gérés par les Crous. Largement insuffisant, notamment en Île-de-France où sur les 25 000 demandes pour la rentrée 2023 à Paris, seules 1 000 d’entre elles ont été satisfaites, parfois dans des résidences que l’on pourrait facilement qualifier d’insalubres.

Sans place dans des structures publiques, nombre de jeunes tournent vers le privé et ses tarifs souvent exorbitants. Or, «pour trouver un logement dans le parc privé, une partie des dispositifs d’aide proposés souffrent encore trop souvent de non-recours», reconnaissent les deux ministères. En outre, ils promettent qu’«un travail va être mené avec les principaux opérateurs institutionnels du logement intermédiaire pour ouvrir plus facilement une partie de leur parc à des locations étudiantes».

Le ministère du logement et de l’enseignement supérieur évoquent également «la transformation de bureaux vacants» en logements étudiants dans leurs pistes. «La configuration de nombreux immeubles tertiaires se prête mieux à des transformations en résidences gérées plutôt qu’en logements familiaux», assurent-ils. Une idée qui germe depuis quelques années dans les cabinets d’urbanisme public. Permettant de créer de la ville dans la ville et de ne pas artificialiser les sols tout en mettant de nouveaux logements sur le marché, la solution semble toute trouvée.

Mais la réalité du terrain est parfois différente d’une maquette d’architecte. Souvent loin des centres-villes, proches des rocades et de leur pollution atmosphérique et sonore, sans commerces et pas toujours bien desservis, notamment en Île-de-France, nombre de ces bureaux vacants sont situés dans des zones géographiques qui n’ont pas été pensées comme des quartiers résidentiels. D’autant plus que les travaux d’adaptations d’un bureau en un logement sont souvent plus chers que la construction d’un nouveau logement. A Paris notamment, ces coûts sont en moyenne supérieurs de 20 %. Sans oublier que dans un mécanisme d’investissement immobilier, il est donc parfois plus intéressant pour des propriétaires fonciers de garder un bâtiment vide, avec une forte valeur immobilière, que d’en modifier la destination.

Dernier souhait des gouvernements pour régler la crise du logement, il faut renforcer «des colocations étudiantes, intergénérationnelles ou à projet […] dans le parc social». Faute de logements étudiants disponibles, on va donc copieusement garnir ceux déjà existants.

Promesses

Pour graver ces trois volontés dans le marbre, un accord national sera «signé d’ici la fin de l’année 2023 pour engager l’ensemble des partenaires» (associations de collectivités, France universités, Cnous, USH, bailleurs intermédiaires, Banque des Territoires, promoteurs) et un délégué interministériel sera également nommé avant la fin de l’année 2023, comme l’avait annoncé la Première Ministre mi-novembre.

De grands mots, mais le bilan des sept dernières années invite à la méfiance. En pleine campagne présidentielle de 2017, le candidat Macron avait promis 60 000 nouveaux logements étudiants en cinq ans, avant que le ministère de l’Enseignement supérieur ne réduise le cap à 30 000 constructions une fois l’Elysée conquis. Mais en juin 2021, Libération révélait que seulement 16 327 logements étaient réellement sortis de terre. Candidat à sa réélection en 2022, le Président avait remis la même promesse sur la table de 60 000 nouveaux logements étudiants avant la fin de son quinquennat. La moitié est aujourd’hui en travaux, le chantier reste immense.