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Précarité

Début de la trêve hivernale : la Fondation Abbé-Pierre craint déjà l’après-crise sanitaire

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Alors que le nombre des expulsions locatives devraient atteindre en 2021 plus du double de celui de l’année dernière où «seulement» 3 500 expulsions avaient eu lieu, la Fondation Abbé-Pierre appelle «les pouvoirs publics à un sursaut».
Manifestation et réquisition d'une école désaffectée pour le droit au logement à Rennes, le 16 octobre. (Quentin Vernault /Hans Lucas via AFP)
publié le 31 octobre 2021 à 18h52

«Le bilan des expulsions de l’année 2021 s’avère décevant et inquiétant», s’est alarmée la Fondation Abbé-Pierre, une semaine avant le début de la trêve hivernale, qui suspend ce lundi les expulsions locatives jusqu’au 31 mars. Saluant les mesures prises par le gouvernement, comme la prolongation de la trêve ces deux dernières années pour éviter que des ménages ne finissent à la rue en pleine pandémie de Covid-19, la fondation juge toutefois «qu’elles n’ont pas été suffisantes».

Dans son communiqué, la Fondation Abbé-Pierre dévoile les premiers chiffres parcellaires de la reprise des expulsions en 2021 : «D’après le ministère du Logement, au 30 septembre, 6 600 ménages ont été expulsés de leur logement […], indique la fondation. Un chiffre qui devrait dépasser les 8 000 ménages à la fin du mois d’octobre.» Loin derrière le record des expulsions locatives de 2019, où 16 700 ménages avaient dû quitter leur logement, ce chiffre dépasse toutefois celui de 2020, où l’extension de la trêve hivernale avait fait baisser le nombre des expulsions à 3 500. Surtout, elle dénonce le recours aux «expulsions sèches, sans relogement ni hébergement», qui «ont représenté 73 % des expulsions du mois de juin (puis 23 % en juillet et en août), au mépris de l’instruction interministérielle du 26 avril 2021».

Des expulsions au «bon vouloir» des préfets

Refusant d’étendre la trêve, la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, avait annoncé un plan de «prévention des expulsions», avec, entre autres, la création d’un fonds d’aide aux impayés de loyer et la proposition en amont d’un relogement prioritaire ou une solution d’hébergement pour les ménages menacés d’expulsion. «Cette dernière a été appliquée inégalement selon les territoires, comme si certains préfets agissaient selon leur bon vouloir, et s’est souvent traduite par la mise à disposition d’hébergements temporaires, le jour même de l’expulsion, sans anticipation ni pérennité», affirme la Fondation Abbé-Pierre.

A présent, les associations qui accompagnent les personnes précaires craignent que leur situation ne se dégrade et un niveau record des expulsions en 2022. En mai, à quelques semaines de la fin de la trêve, elles mettaient déjà en garde contre la «bombe à retardement» de la précarité. «On peut craindre, en 2022, une amplification des procédures, comme ce fut le cas à l’issue de la crise économique de 2008, qui avait vu les expulsions effectives bondir de près de 57 % en dix ans», note la Fondation Abbé-Pierre.

L’association «appelle les pouvoirs publics à un sursaut afin de se donner les moyens d’une réelle politique publique de prévention des expulsions, notamment en renforçant les aides au logement des locataires et l’indemnisation des bailleurs le temps de trouver des alternatives à l’expulsion».

Conquise après «l’Insurrection de la bonté», l’appel à la solidarité de l’abbé Pierre lors de l’hiver 1954, où se sont succédé des drames du mal-logement et du sans-abrisme, la trêve hivernale entrée dans la loi deux ans plus tard permet à des ménages d’être protégés des expulsions locatives, chaque année, habituellement du 1er novembre au 31 mars.