Le 12 janvier 2019, une explosion de gaz soufflait le 6, rue de Trévise, dans le IXe arrondissement de Paris, faisant quatre morts – deux pompiers, une habitante de l’immeuble et une touriste espagnole – et plus de 200 blessés. Et laissant entrevoir derrière le drame une suite de manquements. Ce jeudi 17 octobre, la procureure de Paris, Laure Beccuau, a annoncé requérir contre la mairie de Paris et le syndic de copropriété de l’immeuble un procès pour «homicides et blessures involontaires» et «destruction involontaire par l’effet d’une explosion ou d’un incendie».
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Assez vite à l’époque, les experts nommés dans le cadre de l’information judiciaire avaient en effet pointé les carences et erreurs qui avaient, selon eux, mené à l’explosion : côté mairie, un trottoir affaissé devant l’immeuble qui au lieu d’être réparé avait été seulement comblé, malgré la présence juste en dessous d’une canalisation de gaz ; et côté syndic, la non prise en charge d’une fuite d’eau signalée depuis longtemps et elle-même à l’origine de l’affaissement du trottoir. L’enquête avait mené à la mise en examen de la ville de Paris.
Selon le réquisitoire de la procureure, il est reproché à la ville de Paris «d’avoir commis des fautes d’imprudence et négligence, en ne diligentant pas les investigations nécessaires pour déterminer la cause de l’affaissement du trottoir […] et en n’effectuant pas les travaux nécessaires pour y remédier», ainsi qu’«un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, pour ne pas avoir effectué de contrôle de suivi des réfections du trottoir devant le porche».
La SAS Cipa, qui gérait le syndic de l’immeuble, se voit quant à elle reprocher «une faute d’imprudence ou de négligence consistant à tarder à faire procéder à la réparation du collecteur d’eaux usées de l’immeuble, alors qu’elle avait été informée dès le 25 novembre 2015 d’une fuite d’eaux usées».
«Enfin une avancée»
«Ces manquements ont contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage», conclut Laure Beccuau. Il appartient désormais aux juges d’instruction de se prononcer sur la tenue ou non d’un procès correctionnel.
Mais déjà, ce réquisitoire amène un peu d’air pour les victimes. «Quand on lit “imprudence et négligence”, ça fait vraiment beaucoup d’émotion», dit Linda Zaourar, la présidente de l’association Vret (Victimes et rescapés de l’explosion de la rue de Trévise), qui se réjouit qu’il y ait «enfin une avancée» dans ce dossier qui se traîne en longueur. Elle espère désormais obtenir rapidement une date de procès.
Depuis cinq ans et demi, rappelle-t-elle, les victimes de la rue de Trévise, «familles, endeuillés, orphelins» bataillent pour leurs indemnisations, face à des assureurs qui leur font «vivre une horreur en termes d’inhumanité». Linda Zaourar espère que l’audience viendra accélérer les choses, pour qu’enfin, «on nous libère de tout ça». «On a reconstruit l’immeuble, dit-elle, mais pas les humains.»