Les migrants n’ont-ils aucun droit, aucune propriété ? Le tribunal judiciaire de Dunkerque va devoir s’exprimer sur le sujet. Six Kurdes iraniens l’ont saisi pour obtenir l’annulation des procès-verbaux (PV) d’expulsion et demandent chacun 1 500 euros à la commune de Grande-Synthe (Nord) pour leur préjudice moral et matériel.
Ils font partie des 1 000 personnes expulsées les 13 et 26 octobre 2021 de campements installés sur des terrains appartenant à la mairie sur ordre du tribunal de Dunkerque. Si les migrants ne contestent pas la décision, ils dénoncent ses conditions d’exécution : ils reprochent ainsi l’absence de signification des PV d’expulsion aux occupants, d’établissement d’un inventaire des biens présents, de sommation de les récupérer, ainsi que leur destruction immédiate.
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Tentes et bâches lacérées, sacs jetés après avoir été remplis de papiers d’identité, téléphones, vêtements et médicaments : «L’absence de valeur marchande des biens ne se décrète pas par un huissier !» s’est insurgé leur avocat, Me Jérôme Giusti.
La «préméditation» de la destruction des biens est selon lui caractérisée, la société de nettoyage Ramery ayant été convoquée sur le lieu de l’expulsion. «On maintient volontairement ces personnes dans une zone de non-droit, on ne leur signifie pas les actes, on les expulse sans respecter la loi et on plaide ensuite qu’elles sont irrecevables à agir en justice», dénonce l’avocat lors d’une conférence de presse.
Pour la défense de la commune de Grande-Synthe, Me Justine Roels pointe «les conditions matérielles extrêmement difficiles» dans lesquelles se déroulent ces expulsions, sur des «terrains ouverts», où les personnes vont et viennent. Elle estime que les requérants ne fournissaient pas la preuve de leur présence et que «les objets qui restent (à l’issue de l’expulsion) sont des objets abandonnés et sans valeur marchande». La décision sera rendue le 12 juillet.
Selon Laure Saboureux, juriste pour Human Rights Observers, les deux expulsions visées étaient «particulièrement violentes». Les lacérations des tentes «étaient la norme l’an dernier, pendant six-huit mois. Elles se sont arrêtées depuis la polémique avec Gérald Darmanin [le ministre de l’Intérieur, qui a déclaré en novembre en avoir demandé l’arrêt, ndlr], mais elles reprennent ponctuellement», assure-t-elle. Fin mars, le préfet du Pas-de-Calais avait été condamné pour s’être affranchi de l’autorité judiciaire lors du démantèlement d’un campement à Calais en 2020.