C’est une statistique qui interpelle en pleine crise du logement. Le nombre d’habitations vacantes a atteint 3,1 millions en France en 2023, en hausse de 60 % depuis 1990, et leur part est plus importante dans les zones en perte de population, selon une étude de l’Insee publiée ce mardi 16 janvier.
«La part de logements vacants est plus forte dans les espaces les moins denses en population […]. A l’inverse, elle reste plus faible dans les aires d’attraction des villes les plus peuplées, dans les territoires en croissance démographique ou dans ceux réputés pour leur attrait touristique», analyse l’Institut national de la statistique, s’appuyant sur des données fiscales et le recensement de la population.
En 2023, le nombre de logements vacants (inoccupés, que l’Insee distingue des résidences secondaires) représentait 8,2 % du parc total de logements en France hors Mayotte, soit 1,2 million de plus qu’en 1990. Cette augmentation intervient essentiellement «à partir de 2005» et atteint depuis «2,5 % en moyenne par an», note l’Insee, ce qui signifie que le nombre de logements vacants augmente «2,3 fois plus vite que le nombre total de logements entre 2005 et 2023». Ainsi, en 2005, l’Insee recensait 2 millions de logements vacants. Il y en avait 1,1 million de plus en 2023. Cette forte hausse concerne «presque tous les départements» à l’exception de ceux de Corse et de l’Hérault.
Les départements ruraux sont les plus touchés
Les départements ruraux situés le long de la «diagonale du vide» (ligne de faible densité de population qui va des Ardennes à l’Ariège), ainsi que l’Orne, sont particulièrement touchés, contrairement aux départements alpins et à ceux situés «le long de l’Atlantique, en Ile-de-France et dans le Var». A Paris, et dans les villes de plus de 700 000 habitants la vacance est plus faible (7 %) avec toutefois des disparités.
Les situations sont contrastées dans les aires des villes comprises entre 200 000 et 700 000 habitants, avec un faible taux de vacance à Bayonne ou Cannes et un fort taux à Pau, Avignon ou Saint-Etienne. C’est dans les villes de moins de 50 000 habitants que le taux de vacance des logements est en moyenne le plus élevé, à 9,6 % en 2020, avec également des différences marquées.
La vacance longue reflète généralement selon l’Insee une «déprise démographique, une inadéquation entre l’offre et la demande, une ancienneté voire une insalubrité des logements, des litiges entre locataires et propriétaires ou encore des problèmes de succession». Parmi les multiples causes de la hausse constatée, l’Insee évoque «l’évolution de la population et de la construction» mais aussi les «effets de la conjoncture économique ou les évolutions fiscales et réglementaires».
Une proposition de loi pour réquisitionner les logements
Cette étude intervient en pleine vague de froid et une semaine après l’annonce du dépôt d’une proposition de loi communiste au Sénat pour permettre aux maires de réquisitionner les logements «vacants, inoccupés ou insuffisamment occupés depuis plus de six mois». Avec ces logements vacants, «il y a un potentiel pour alléger la crise du logement aujourd’hui», explique Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l’association Droit au logement (DAL), pour qui «l’importance de la vacance renforce la pénurie de logement». «Il faudrait réquisitionner», prône-t-il, soulignant qu’une «réquisition, ce n’est pas une spoliation» ni une «expropriation» mais «l’utilisation temporaire d’un bien inoccupé».
Une étude commandée par la mairie de Paris à l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) avait estimé en décembre qu’un logement sur cinq (19 %) dans la capitale était «inoccupé» en 2020. Mais la définition retenue pour cette étude était différente de celle de l’Insee puisqu’elle englobe les logements vacants, des résidences secondaires et des logements occasionnels, utilisés pour des raisons professionnelles. L’Apur avait notamment constaté une forte hausse du nombre de résidences secondaires et occasionnelles dans la capitale (10 % des logements, soit 134 000), ce qu’il expliquait en partie par «la hausse des locations meublées touristiques non déclarées». Selon l’organisme, à Paris, 90 000 logements sont utilisés à cette fin.