La révision du taux d’usure a fait couler beaucoup d’encre depuis le printemps 2022. Acteurs de l’immobilier et ménages plaidaient pour, qu’au vu de la conjoncture, celui-ci soit actualisé mensuellement au lieu d’une fois par trimestre. Car dans un contexte de remontée rapide des taux, cet outil censé protéger les ménages contre le surendettement s’est transformé en bâton dans les roues des aspirants à la propriété. Vendredi, la Banque de France a répondu favorablement à leur demande, après avoir envoyé plusieurs fins de non-recevoir. Le calcul se fera donc exceptionnellement tous les mois à partir du 1er février et, ce, jusqu’au 1er juillet.
L’indicateur a été pensé pour protéger les ménages des taux abusifs, puisqu’il correspond au plafond maximal auquel une banque est autorisée à prêter. Régi par le code de la consommation, le taux d’usure est calculé chaque trimestre par la Banque de France en faisant la moyenne des taux pratiqués par un échantillon de 10 % des agences bancaires les trois mois précédents, puis la majore d’un tiers. Depuis le 1er janvier, il est ainsi fixé à 3,57 % pour les prêts immobiliers de vingt ans ou plus.
Si le calcul trimestriel a contribué à ralentir la hausse des coûts du crédit, dans le sillage du durcissement de la politique monétaire BCE, ce garde-fou s’est retourné contre certains emprunteurs ces derniers mois. En effet, lors de la négociation d’un prêt immobilier, un banquier veille à ce que le taux annuel effectif global (TAEG) de son emprunteur, c’est-à-dire à l’ensemble des coûts du crédit (taux nominal proposé par la banque mais aussi assurance, frais de garantie…) n’excède pas le taux d’usure.
Dans le contexte de taux bas en vigueur depuis des années, ces situations étaient rarissimes. Mais alors que les banques ont vu leurs coûts de refinancement (les taux auxquels elles empruntent elles-mêmes une partie de l’argent qu’elles prêtent) augmenter, la méthode de calcul de l’usure continue à tenir compte de ceux pratiqués il y a trois mois et stagne. La marge d’acceptabilité des dossiers s’est donc réduite.
Victoire pour les acteurs de l’immobilier
Les courtiers avaient manifesté pour la première fois de leur histoire en septembre dernier pour demander une révision du mode de calcul. Ils avançaient que plus du tiers des refus de prêt immobiliers depuis le début de l’année l’étaient à cause de ce mécanisme. Mais, jusqu’il y a encore quelques semaines, la Banque de France s’était montrée inflexible sur le sujet, estimant que le volume de crédits accordés demeurait satisfaisant (218 milliards d’euros de nouveaux prêts ont été accordés en 2022, hors renégociations).
L’institution financière a finalement cédé, influencée par l’annonce des chiffres de décembre 2022, en nette baisse (14,5 milliards d’euros de prêts accordés). «Certains dossiers, dans l’attente de la prochaine hausse trimestrielle significative du taux d’usure, sont ainsi reportés au début du trimestre suivant», peut-on lire dans le communiqué émis par la banque centrale, conduisant ainsi à un «ajustement technique». Un arrêté doit être publié dans les prochains jours pour officialiser la mesure.
La réactualisation du taux d’usure offre un bol d’air au marché de l’immobilier. En théorie. Car se pose désormais la question du pouvoir d’achat des ménages. Avec un renchérissement des coûts du crédit, les nombreux aspirants propriétaires pourraient bien être contraints de se tourner vers de plus petites surfaces.