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Interview

Incendie mortel à Nice : «Le feu se déclenche souvent quand quelqu’un ouvre sa porte»

Après l’incendie qui a coûté la vie à sept personnes à Nice, le pompier Patrick Chavada explique à «Libération» comment se déplace un feu dans un immeuble, pourquoi il peut partir du 2e étage mais ne ravager que le 7e et comment réagir face à ce genre de sinistre.
En bas de l'immeuble d'habitation à Nice, qui a pris feu dans la nuit de mercredi à jeudi 18 juillet, tuant sept habitants. (VALERY HACHE/AFP)
publié le 18 juillet 2024 à 16h37

Un feu allumé au deuxième étage d’un bâtiment mais dont les conséquences les plus dramatiques surviennent cinq étages plus haut. C’est le scénario qui se dessine pour expliquer le drame qui s’est déroulé à Nice dans la nuit de mercredi à jeudi 18 juillet : sept personnes d’une même famille ont perdu la vie dans l’incendie de leur appartement, situé au septième étage d’un immeuble du quartier des Moulins. Selon les premiers éléments de l’enquête, le feu a pris au deuxième étage et serait d’origine volontaire. Trois personnes encagoulées sont visibles sur des images de surveillance au début du sinistre. Patrick Chavada est chef du bureau prévention et éducation du citoyen face au risque à la Fédération des pompiers de France. Il détaille pour Libération ce qui a pu se passer à Nice et comment réagir face à ce genre de situation.

Selon les premiers éléments de l’enquête, des individus auraient allumé un feu au deuxième étage, mais c’est le septième qui a été la proie des flammes. Comment l’expliquez-vous ?

A ce stade, je vois deux hypothèses. Soit les individus ont répandu un liquide inflammable dans toute la cage d’escalier et le feu est monté. Soit la mise à feu s’est faite au deuxième étage et ce sont les gaz et l’air chaud qui sont montés jusqu’en haut de la cage d’escalier. C’est un phénomène que l’on connaît malheureusement bien. Il ne faut pas imaginer une langue de feu qui monte jusqu’en haut. Ce sont des gaz chauds qui se déplacent, on appelle cela une propagation par convection. Ensuite, il suffit qu’une personne à un étage du dessus ouvre sa porte et les gaz chauds pénètrent dans l’habitation, mettant le feu au canapé, aux rideaux, etc.

On a parlé à un moment d’une propagation par la colonne sèche, ce tuyau qui permet aux pompiers de brancher leur lance à incendie dans les étages. Cela vous semble-t-il crédible ?

Non, car les colonnes sèches sont fermées par des bouchons à chaque étage. On peut imaginer que la fumée monte par les gaines techniques, le long des tuyaux d’eau et de gaz qui ne sont jamais totalement étanches. Mais l’essentiel de la propagation se fait tout simplement par la cage d’escalier. D’ailleurs, il existe dans certains immeubles des pyrodômes en haut des cages d’escalier. Ce sont des bulles en plastique qui s’ouvrent en tirant sur un mécanisme. Elles permettent l’évacuation des fumées. Je ne sais pas si ce bâtiment en était équipé.

Comment réagir face à une telle situation ?

Le feu se déclenche souvent quand quelqu’un ouvre sa porte. Cela fait rentrer la fumée et les gaz chauds dans l’appartement. Il ne faut donc surtout pas ouvrir la porte du palier. Il faut mettre des linges humides aux interstices, appeler les pompiers et aller se signaler à la fenêtre. D’ailleurs, j’ai vu à la télévision le voisin de palier des victimes témoigner. Sa femme avait laissé la porte fermée et l’avait protégée avec du linge humide. Ils n’ont pas eu l’incendie chez eux.

Mais si on a déjà ouvert la porte ?

Alors il faut se mettre dans une autre pièce, fermer la porte et se signaler à la fenêtre. On peut d’ailleurs ouvrir la fenêtre pour respirer. Sinon, il faut savoir que l’air frais se situe au sol. Vous savez, une porte normale tient facilement une demi-heure face au feu. Cela laisse le temps aux pompiers d’arriver. Les secours arrivent rapidement en France. Dans le drame de Nice, deux personnes ont sauté dans le vide [l’une est morte, l’autre victime est grièvement blessée, ndlr], celles qui se trouvaient dans l’appartement d’en face mais qui n’ont pas sauté ont pu être secourues.