A peine nommée, Valérie Létard a pris le train pour Montpellier (Hérault), où se tenait le congrès de l’Union sociale de l’habitat (USH), le grand salon annuel des acteurs du logement social. La ministre, une experte du logement et de la politique de la ville dont la nomination a été unanimement saluée, était très attendue alors que le secteur vit une crise inédite, entre chute de la construction et file d’attente record pour obtenir un HLM : entre sept à dix ans dans de nombreuses régions. D’emblée, l’élue de Valenciennes (Nord), parlementaire pendant vingt ans, a prévenu : «Je ne peux rien dire ni rien annoncer avant la déclaration de politique générale» du Premier ministre Michel Barnier, qui se tiendra mardi prochain. En revanche, «je suis venue pour montrer que ce sujet, on veut le prendre à bras-le-corps». Elle en veut pour preuve qu’elle a obtenu un ministère de plein exercice, ce qui n’était pas arrivé depuis 2017. Sa mission : faire en sorte que le logement soit (enfin) «reconnu comme une priorité nationale». Ce qui n’est jamais arrivé non plus depuis 2017.
Cette ancienne assistante sociale, qui a ensuite travaillé auprès de Jean-Louis Borloo, le père de la politique de la ville, ne l’a pas caché : sa feuille de route sera étroite. «Il y a une réalité budgétaire, et je sais bien que ce budget ne part pas dans de bonnes conditions.» Mais «je me battrai pour le logement pour obtenir le plus possible», a-t-elle lancé depuis la tribune de l’immense salle du Palais des congrès de Montpellier. Devant la presse, elle a refusé de dire si la loi Kasbarian II, dont l’examen a été interrompu par la dissolution, serait remise à l’ordre du jour. «Il y a plein de solutions, plein d’idées», mais il faut d’abord selon elle définir une méthode et choisir les solutions les plus efficaces, vu le «contexte budgétaire inédit».
Classe moyenne
Prenant la parole en clôture du salon, Emmanuelle Cosse, la présidente de l’USH, a rappelé que quelque onze millions de personnes sont locataires du parc social, et des centaines de milliers propriétaires de leur maison grâce à l’accession sociale à la propriété. Ce ne sont pas des pauvres, mais cette classe moyenne que le gouvernement dit vouloir aider en priorité, a dit en substance la patronne de la Fédération des offices HLM, rappelant que, «chaque année, plus d’une attribution en HLM sur deux est pour un salarié».
La mission historique du logement social était de «garantir un toit salubre aux ouvriers et salariés des grands bassins industriels. Cette France qui travaille pour des revenus modestes existe toujours aujourd’hui et elle peine à se loger». Donc «quand on n’aide pas le logement social, quand des élus se dérobent à leur obligation d’en construire, ce sont d’abord eux qu’ils maintiennent dans la difficulté», a-t-elle accusé. Aujourd’hui, une personne sur cinq refuse un emploi en raison des difficultés à se loger, lui a fait écho Valérie Létard, élue d’un Nord en pleine renaissance industrielle. Mais le parc HLM accueille aussi des mères qui élèvent seules leurs enfants, deux fois plus que dans le parc privé. Ou des personnes âgées, des «retraités aux petites pensions qui n’ont pas pu accéder à la propriété comme leurs aînés» : 22 % des locataires du parc ont plus de 65 ans.
«Digne et abordable»
Emmanuelle Cosse a chargé Valérie Létard d’un message pour Michel Barnier, et en particulier son ministre de l’Economie, Antoine Armand, qui a dit vouloir couper dans les dépenses pour réduire le déficit public. «Pour relancer l’économie et améliorer les finances publiques», l’ex-ministre du Logement sous François Hollande suggère de supprimer la Réduction de loyer de solidarité (RLS) imposée en 2018, qui s’est traduit par une ponction de dix milliards d’euros sur les loyers encaissés par les organismes HLM depuis cette date. Car «ce que nous ponctionne l’Etat, c’est ce qu’il ne retrouve pas ensuite dans ses caisses», notamment sous forme de rentrées fiscales, a fait valoir Emmanuelle Cosse.
Autre revendication : baisser le taux du livret A, qui renchérit les coûts de financement des organismes, et revenir sur le gel des aides à la rénovation énergétique (à la place du 1,2 milliard d’euros durant trois ans, promis lors du dernier congrès par Patrice Vergriete, alors ministre du Logement). La présidente des HLM a aussi fait passer un message plus politique : «Le logement digne et abordable est la base de toute vie possible si l’on souhaite une société apaisée.»