Menu
Libération
Logement

La loi «anti-Airbnb» adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale

Adopté en première lecture, le texte va donner un sacré coup de rabot à la «niche fiscale Airbnb», jugée responsable de la prolifération des meublés de tourisme au détriment des locations classiques dans les villes touristiques du littoral Atlantique. A condition qu’il passe l’épreuve du Sénat...
L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, par 100 voix contre 25, la proposition de loi transpartisane (Renaissance et PS) «visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue». (Quentin de Groeve/Hans Lucas.AFP)
publié le 29 janvier 2024 à 19h16

Un revers pour Airbnb, qui avait bataillé dur, en coulisses, contre le texte : ce lundi, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture, par 100 voix contre 25, une proposition de loi transpartisane (Renaissance et PS) «visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue». Le texte, qui espère mettre un coup d’arrêt à la prolifération des locations de type Airbnb, au détriment des baux classiques de plus longue durée, prévoit notamment d’abaisser la niche fiscale sur ce type de logements, de leur imposer des diagnostics de performance énergétique, mais aussi de donner de nouveaux outils de régulation aux maires, comme la possibilité d’abaisser de 120 jours à 90 jours par an la durée maximale de location d’une résidence principale.

Honnie par une partie de la droite, vue d’un mauvais œil par Bercy car elle revient à augmenter les impôts, divisant jusqu’au sein de la majorité présidentielle, la proposition de loi, soutenue en revanche par les élus de tous bords des communes touristiques, aura connu bien des péripéties : mis à l’agenda législatif au printemps, puis repoussé à la rentrée, son examen avait été interrompu en décembre à cause d’une stratégie d’obstruction assumée de la droite et du Rassemblement national. Sans surprise, s’érigeant en défenseurs de petits propriétaires déjà victimes, selon eux, d’un véritable matraquage fiscal, les députés à droite de l’hémicycle ont voté contre. Mais l’article 3 qui prévoit d’abaisser à 30% le taux d’abattement sur les revenus des meublés de tourisme – contre 71% pour la location meublée classée et 50% pour la location meublée non classée aujourd’hui –, a été adopté haut la main – grâce aux voix de l’ensemble des députés de gauche, des indépendants de Liot, et de l’essentiel des députés de la majorité. Qu’en restera-t-il après avoir été passé à la moulinette du Sénat, où la droite est majoritaire ?

Dans un communiqué mardi, Airbnb a réagi en faisant valoir qu’en France, 92% des meublés de tourisme étaient «loués de manière occasionnelle par des familles locales pour compléter leurs revenus ou rénover leur logement» et que ces familles seraient les premières perdantes de cette hausse d’impôts, qui amputerait d’autant les revenus générés par cette activité de location (soit 3 900 euros brut en 2022, la plateforme précisant qu’il s’agit de revenus médians, et non d’une moyenne). 92% ? Un chiffre contestés par Inaki Echaniz, le co-rapporteur du texte, selon qui la firme américaine refuse de communiquer le nombre de résidences secondaires louées sur la plateforme, alors que ce sont elles qui sont dans le viseur de la PPL, et non les résidences principales louées dans la limite de 120 jours par an actuellement.

Interrogé par Libération, Airbnb indique que ce chiffre de 92% est tiré d’une étude commandée au cabinet de conseils PwC, qui mélange allégrement les choux et les carottes puisque il range les résidences principales (48%) et les résidences secondaires (44%) dans la même catégorie fourre-tout de «meublés de tourisme». Les 8% restants, en revanche, seraient des logements dédiés à la location de tourisme, soit au-delà de 120 nuitées.

Autre argument mis en avant par la plateforme américaine, en 2023, le tourisme sur Airbnb a rapporté 187 millions d’euros de taxe de séjour aux 24 500 communes «qui ont au moins un hôte» Airbnb, dont «près d’un tiers» sont des communes rurales. Mais combien coûte aux finances publiques la niche fiscale Airbnb ? Enfin, le député socialiste estime que le pouvoir d’achat des Français, amputé par la flambée des loyers, sera mieux protégé si on régule Airbnb qu’on laisse faire le marché : en mettant fin à la distorsion fiscale entre les meublés de tourisme et les baux classiques, elle devrait permettre d’apaiser les tensions sur le marché locatif en augmentant le nombre de biens à louer.

Mise à jour le 31 janvier avec réaction d’Airbnb et du député Inaki Echaniz