C’est Eva (1). Echine courbée sur un muret mousseux. Des herbes folles au pied de ses baskets usées. Traits fins et sa silhouette fine aussi. Ses cheveux noirs se terminent comme de l’avoine de mer. Eva a 12 ans. Elle a la voix étouffée. Au collège, ce n’est pas simple. Les autres savent qu’elle, son petit frère de 5 ans et ses trois petites sœurs de 7, 9 et 11 ans n’ont pas de maison. Qu’ils ont dormi une nuit à la Touche, le grand campement de Rennes dont les journaux parlent – elle l’a dit à une amie et un gosse a entendu. Depuis, les moqueries courent, on la prend en photo à la dérobée. Elle dit : «Ça me rajoute des problèmes, j’ai assez souffert.» Aujourd’hui, elle n’a pas classe. Des travaux au collège, paraît-il. Alors elle est sur ce muret avec sa mère, Nabintou, et son beau-père, Lassana. Parfois, elle va au centre commercial. Elle s’assoit sur la banquette d’une allée. Elle ne lutte ni contre le temps ni contre l’ennui. L’ennui lui apporte des «imaginations», comme elle dit. «Je prends un personnage, j’aime bien Mia, une basketteuse d’un dessin animé sur Gulli, je me transforme en elle, elle est très agile. C’est bien.»
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