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Libération
Marche arrière

La proposition de loi Kasbarian contre le «maintien à vie dans le logement social» retirée face à la bronca

Crise du logementdossier
Le député macroniste Stéphane Vojetta, rapporteur d’un texte déposé par l’ancien ministre du Logement Guillaume Kasbarian, a annoncé ce lundi 31 mars le retirer de l’ordre du jour, moins de deux heures avant le début de l’examen à l’Assemblée.
Stephane Vojetta à l'Assemblée, le 5 novembre 2024. (Arthur N. Orchard/Hans Lucas. AFP)
publié le 31 mars 2025 à 18h30

Un texte remisé au dernier moment. Le député macroniste Stéphane Vojetta, rapporteur d’une proposition de loi «portant fin du maintien à vie dans le logement social», a annoncé ce lundi 31 mars retirer le texte de l’ordre du jour, moins de deux heures avant le début de l’examen dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Regrettant le dépôt d’une motion de rejet par la France insoumise, qui en cas d’adoption aurait écarté le texte avant son examen, le rapporteur a affirmé dans un communiqué sur X faire «le choix de la responsabilité» et retirer le texte «dans sa forme actuelle pour le redéposer dans les prochains jours, modifié et clarifié».

L’adoption de la motion de rejet «était une possibilité», a reconnu le député apparenté au groupe Ensemble pour la République (EPR). Plutôt que de prendre le risque d’enterrer le texte, il préfère donc «le redéposer en incorporant les changements demandés par l’opposition et par le gouvernement». «On pense qu’il y a une voie de passage si on retravaille le texte», a corroboré une source au groupe EPR.

Des critiques jusqu’au sein du gouvernement

La proposition de loi, déposée par l’ancien ministre du Logement Guillaume Kasbarian, propose de durcir les conditions permettant de rester dans un logement social, notamment en abaissant les seuils de revenu à partir desquels un bailleur social peut demander à un locataire de quitter un logement ou lui réclamer un «sur-loyer» complémentaire. Concrètement, «un salarié qui vit à Saint-Denis devra quitter son logement social à partir d’un salaire net de 3 800 euros par mois» pendant deux ans, contre 4 336 euros par mois actuellement, avait argumenté Stéphane Vojetta lors de l’examen en commission des affaires économiques. L’accession à la propriété «d’un logement adapté aux besoins ou susceptible de générer des revenus permettant l’accès au parc privé» était aussi introduite comme motif de résiliation d’un bail.

Cette proposition, qui concernait selon son rapporteur 30 000 logements sociaux – alors que 2,7 millions de foyers étaient en attente fin 2024 –, a suscité une large levée de boucliers à gauche et chez les bailleurs sociaux, l’Union sociale pour l’habitat fustigeant un texte qui «ne ferait qu’amplifier les atteintes à la mixité sociale». Les critiques se sont élevées jusqu’au sein du gouvernement. La ministre de la Ville, Juliette Méadel, avait salué le rejet en commission du texte. «Nous voulons de la mixité sociale, pas des ghettos ! Cette proposition risquait d’accentuer l’assignation sociale à résidence», avait-elle réagi sur X, désavouant l’ex-ministre du Logement. Lequel avait invité en réponse Méadel à assister «aux réunions interministérielles» ou à démissionner du gouvernement. Ambiance. La ministre chargée du Logement, Valérie Létard, avait elle déclaré que si l’objectif était «louable», il fallait «travailler à un texte équilibré».

«Ça ne pouvait pas aller plus loin que le débat médiatique»

La décision de retrait de Sétphane Vojetta a évidemment réjoui la gauche. «Très content que notre motion de rejet ait été si efficace que nous n’avons même pas eu à la présenter», a notamment ironisé le député LFI François Piquemal sur X. «C’était un texte qui était trompeur et mensonger», au «contenu inefficace et même contre-productif. Et donc ils se sont bien rendu compte que ça ne pouvait pas aller plus loin que le débat médiatique», a commenté de son côté le député PS Iñaki Echaniz. Les communistes avaient demandé son retrait, compte tenu de la «large majorité dégagée contre le texte».

Stéphane Vojetta avait pourtant expliqué vendredi vouloir «tendre la main» aux oppositions, «notamment à la gauche», et déposé plusieurs amendements en ce sens. L’un d’eux visait à modifier le titre du texte, évoquant un supposé «logement social à vie», et critiqué comme «fallacieux». Un autre amendement proposait que l’obligation de résiliation du bail pour les locataires devenus propriétaires ne s’applique que dans les zones tendues –hors quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Un troisième proposait que ces quartiers prioritaires, moins favorisés, restent exemptés des sur-loyers afin d’y «préserver la mixité sociale». Le Rassemblement national avait pour sa part déposé des amendements visant à exclure les personnes de nationalité française du durcissement des conditions d’accès. Finalement rien de tout ça. En attendant de voir à quoi ressemblera la nouvelle mouture promise par le rapporteur.