Nouveau rebondissement dans l’histoire d’Evergrande. Un tribunal de Hongkong a ordonné ce lundi 29 janvier la mise en liquidation du géant chinois de l’immobilier, qui a échoué à présenter un plan de restructuration convaincant. Endetté à hauteur de 328 milliards de dollars, le groupe Evergrande est devenu ces dernières années le symbole de la crise immobilière qui s’enlise en Chine. C’en était trop pour des créanciers internationaux, qui, l’an dernier, ont déposé une requête en liquidation contre le groupe devant ce tribunal hongkongais. La procédure a traîné en longueur car les parties tentaient de négocier un accord.
Analyse
«[Considérant] l’absence évidente de progrès de la part de l’entreprise dans la présentation d’un plan de restructuration viable […], j’estime qu’il est approprié que le tribunal rende un jugement de liquidation de l’entreprise, et c’est ce que j’ordonne», a déclaré la juge Linda Chan. «La décision de justice d’aujourd’hui est contraire à notre intention première […]. C’est extrêmement regrettable», a réagi le directeur général d’Evergrande, Shawn Siu, au média économique chinois 21st Century Business Herald. Il n’est toutefois pas clair dans l’immédiat comment une décision prise dans la région chinoise semi-autonome de Hongkong peut se concrétiser en Chine continentale, où le groupe est établi.
Conséquences déjà visibles
Après l’ajournement de la séance du matin, Fergus Saurin, un avocat représentant un groupe de créanciers, a déclaré aux journalistes qu’Evergrande n’avait pas «engagé le dialogue» avec eux. «Il y a eu des velléités de dialogue à la dernière minute qui n’ont abouti à rien, a-t-il affirmé. L’entreprise ne peut s’en prendre qu’à elle-même pour avoir été liquidée.»
Si les conséquences administratives restent floues, les conséquences économiques sont d’ores et déjà visibles. Après l’annonce de la mise en liquidation, l’action d’Evergrande a dévissé de plus de 20 % à la Bourse de Hongkong, qui a suspendu la cotation du titre. Cette dernière a également suspendu la cotation de la filiale de véhicules électriques du groupe, Evergrande NEV. L’action du groupe avait été suspendue une première fois en septembre à la Bourse de Hongkong, au lendemain d’une information de la presse selon laquelle son patron se trouvait en résidence surveillée après avoir été interpellé au début du mois.
Risque majeur pour l’économie
La dégringolade d’Evergrande, en défaut de paiement pour la première fois en 2021 et qui a été déclaré en faillite aux Etats-Unis, a été étroitement suivie par les autorités chinoises, le groupe étant un pilier de l’économie du pays. Le secteur de la construction et de l’immobilier représentait environ un quart du PIB chinois. Durant des décennies, les nouveaux logements en Chine étaient payés avant même leur construction par les propriétaires, et les groupes finançaient leurs nouveaux chantiers à crédit. Mais l’endettement massif du secteur est perçu ces dernières années par le pouvoir comme un risque majeur pour l’économie et le système financier du pays.
Pékin a ainsi progressivement durci à partir de 2020 les conditions d’accès au crédit des promoteurs immobiliers, ce qui a tari les sources de financement de groupes déjà endettés. Le gouvernement a plusieurs fois annoncé des mesures pour tenter de sauver son secteur immobilier, en vain, les résultats n’ayant pour le moment que peu d’effets. En décembre, selon les chiffres officiels, soixante grandes villes chinoises ont de nouveau enregistré une baisse des prix de l’immobilier sur un mois.