Plus de cinq ans après, il y aura bien un procès pour le drame de la rue d’Aubagne. Le parquet a requis le renvoi devant le tribunal correctionnel des quatre personnes physiques et morales mises en examen pour l’effondrement de deux immeubles vétustes, rue d’Aubagne, au cœur de Marseille, le 5 novembre 2018. Cette catastrophe avait coûté la vie à huit personnes et mis en lumière l’incurie des autorités locales en matière de logement.
Le parquet entend poursuivre ces quatre prévenus «pour homicides involontaires et blessures involontaires», précise ce samedi 16 mars le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, confirmant que le réquisitoire signé jeudi par le premier vice-procureur Michel Sastre et révélé vendredi par le Monde avait écarté le chef de mise en danger d’autrui.
«Si les réquisitions venaient à être suivies [par les trois juges d’instruction chargés de ce dossier], une audience de mise en état [d’être jugé] pourrait avoir lieu au printemps, pour une ouverture possible du procès cet automne», a expliqué le procureur de Marseille.
Effondrements «inéluctables»
Quatre personnes – deux physiques et deux morales – pourraient donc être jugées pour ces huit vies disparues, dans un drame symptomatique de l’ampleur de la question de l’habitat insalubre au cœur de l’une des plus grandes villes de France.
Les deux personnes physiques mises en examen sont Julien Ruas, adjoint au maire chargé de la prévention et de la gestion des risques, alors que la ville était encore dirigée par Jean-Claude Gaudin (LR) ; et Richard Carta, l’architecte désigné comme expert par le tribunal administratif de Marseille, qui avait inspecté l’immeuble du 65 rue d’Aubagne, où vivaient les huit victimes, le 18 octobre 2018, trois semaines à peine avant le drame. Une visite qu’il avait bâclée en une heure, sans interroger aucun des habitants. Marseille Habitat, société d’économie mixte de la ville de Marseille propriétaire du 63 rue d’Aubagne, un immeuble vide mais totalement délabré qui s’était écroulé en même temps que le 65 ; et le cabinet Liautard, le syndic de copropriété chargé de la gestion du 65 sont également mis en cause.
Marseille
Si, dans son réquisitoire, Michel Sastre estime que «personne ne pouvait prédire un effondrement» des deux immeubles, le magistrat a des mots très sévères pour les mis en examen. Certes, «il était acquis» lors de l’intervention de Richard Carta que les effondrements étaient «inéluctables», estime-t-il, sur la base des expertises versées au dossier. Mais l’architecte n’a «pas rempli les obligations minimales de diligence d’un expert», dénonce le magistrat, évoquant un «drame de la routine». Quant à Julien Ruas, il a démontré au cours de l’enquête que «toute notion de proactivité, de responsabilité et d’initiative par rapport à ses missions lui étaient totalement étrangères».