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Le Libé des écrivains

«On les appelle clochards ou SDF, on les contourne hypocritement» : la misère dans l’ordre des choses, par Andrée A. Michaud

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Crise du logementdossier
De part et d’autre de l’Atlantique, des milliers d’hommes et de femmes meurent sur les trottoirs de nos villes. On détourne le regard et les autorités ferment les yeux. La pauvreté n’a aucun poids politique.
Un homme sans abri à Montréal, en 2023. (Andrej Ivanov/AFP)
par Andrée A. Michaud
publié le 11 avril 2024 à 17h52

A l’occasion du Festival du livre de Paris les 12, 13 et 14 avril, nos journalistes cèdent la place à des autrices et auteurs pour un numéro exceptionnel et un supplément de 8 pages spécial Québec. Hervé Le Tellier et Dany Laferrière sont les rédacteurs en chef de cette 17e édition du Libé des écrivains. Retrouvez tous les articles ici.

Je me promène dans les rues printanières de Montréal et j’aperçois, où que mon regard se porte, des êtres effondrés sur des bouts de carton crasseux.

Je marche dans les rues de Paris et j’aperçois, errant sans autre but que d’oublier le temps qui stagne, des êtres diminués qui me tendent une main affamée.

Je me promène dans les rues de New York et c’est pareil, je ne vois que misère et douleur, chats pelés et saleté, crasse et êtres enguenillés s’usant les fesses sur les trottoirs gelés en attendant que des pas bruyants ou pressés ralentissent un instant pour jeter à leurs pieds quelques pièces honteuses.

Ils sont des mille et des milliers, hommes et femmes, jeunes et vieux, disséminés et faisant tache dans le paysage bétonné des villes. On les appelle itinérants, clochards, quêteux, SDF ou mendiants. On les contourne hypocritement, on les ignore en réglant sa conscience à off. A quoi bon alléger cette conscience de deux dollars ou d’un euro qui ne serviront qu’à payer le prochain café filtre, le prochain verre, la prochaine dose, car ces êtres