Critiqué pour ne pas en faire assez contre la pénurie de logements, au moins le gouvernement s’efforce-t-il de ne pas louper la fenêtre de la rénovation énergétique de l’habitat. Après la suppression de la niche fiscale Pinel (encourageant la construction de logements neufs), le recentrage du prêt à taux zéro sur la rénovation de l’ancien et l’annonce d’1 milliard d’euros sur trois ans pour rénover les HLM, le ministère de la Transition écologique a vanté mercredi «un effort historique de 1,6 milliard d’euros supplémentaires pour financer la rénovation énergétique des logements, portant à 5 milliards d’euros le budget total qui y sera consacré l’année prochaine», dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. Soit le double du budget 2023 de MaPrimeRénov, qui était de 2,5 milliards d’euros, après 2 milliards en 2022.
Passoires et bouilloires
Cette rallonge devrait permettre de financer chaque année «200 000 rénovations d’ampleur», alors que le trop faible montant de MaPrimeRénov (3 800 euros en moyenne) ne permettait de financer que des «monogestes», comme changer ses fenêtres ou sa chaudière, et impliquait, si on voulait rénover sa maison de fond en comble, un reste à charge trop élevé. Désormais, les particuliers pourront se voir rembourser jusqu’à 70 000 euros de travaux «et le taux de prise en charge pourra atteindre 90% pour les ménages aux revenus très modestes qui rénovent une passoire énergétique». En outre, les aides à l’installation de pompes à chaleur vont passer de 1 000 à 2 000 euros pour les ménages aux revenus modestes et intermédiaires, le gouvernement voulant accélérer la décarbonation du parc de chaudières fonctionnant aux énergies fossiles. En effet, MaPrimeRénov va être ouverte aux travaux permettant d’améliorer le confort d’été dans le cadre des rénovations d’ampleur, histoire de lutter contre les «bouilloires thermiques» au même titre que les passoires : pompes à chaleur air /air réversibles, brasseurs d’air ou protections solaires de parois vitrées.
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Pour bénéficier de l’aide ciblant les rénovations globales, les ménages devront être accompagnés par un tiers de confiance indépendant et agréé, «Mon accompagnateur Rénov». Ce ne sera pas gratuit, sauf pour les ménages très modestes, est-il précisé. Enfin, les aides MaPrimeRenov pour financer des monogestes seront désormais réservés aux ménages vivant dans une maison déjà bien isolée. «Pour s’en assurer, un diagnostic de performance énergétique (DPE) devra être réalisé en début de parcours», pour déterminer à quel régime ils ont droit, rénovation par gestes ou globale.
«Effet rebond»
Cette politique dispendieuse est-elle efficace ? «Les interventions visant à baisser les consommations d’énergie sont coûteuses et ne permettent de réaliser que de faibles économies, sauf explosion durable des coûts de l’énergie», rappelait Terra Nova dans une note publiée en janvier 2022. L’institut de recherche avait passé en revue les études parues en France et à l’étranger pour tenter d’évaluer le bénéfice énergétique des travaux d’isolation. En cause, notamment, ce qu’on appelle «l’effet rebond» : on se chauffe peu lorsque la qualité du logement est faible, on se donne plus de confort quand la technique le permet. Une étude américaine identifiait ainsi des économies d’énergie 2,5 fois inférieures à celles prédites par le modèle utilisé par les autorités publiques américaines. L’essayiste Olivier Babeau, président de l’Institut Sapiens, est l’un des plus ardents détracteurs de cette politique : «Un jour tout le monde s’accordera pour penser que l’isolation des bâtiments était un objectif stupide», a-t-il encore tweeté le 7 octobre, citant pêle-mêle «l’arbitraire délirant des diagnostics», «l’effet rebond sur la consommation» ou «l’effet d’attrition sur l’offre de logements». De quoi donner des arguments à ceux qui, au sein du gouvernement ou à droite, trouvent qu’on en fait trop pour le climat.