La droite, majoritaire au Sénat, plus ambitieuse que l’Assemblée nationale dominée par les députés LREM/MoDem sur la loi climat ? C’est ce que claironne Dominique Estrosi Sassone (LR), la rapporteure pour avis sur ce texte après le vote d’une série d’amendements, jeudi, contre l’avis du gouvernement sur l’éolien ou la TVA sur les billets de train et sur le logement. Pour la sénatrice, «on réhausse d’une façon importante l’ambition de rénovation énergétique». Dans le détail pourtant, il n’y a pas de quoi se réjouir trop rapidement : l’introduction du «congé pour travaux de rénovation énergétique» inquiète notamment la gauche et la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon.
«Le défi est considérable, a souligné la sénatrice Estrosi Sassone, évoquant l’objectif d’un parc immobilier au niveau bâtiment basse consommation d’ici à 2050. Sur 29 millions de résidences principales, seulement 1,9 million sont classées A ou B selon le diagnostic de performance énergétique (DPE).» Une réforme du secteur du bâtiment est indispensable pour le respect de l’accord de Paris. Jeudi, les sénateurs ont retenu les classes A et B comme définition d’une rénovation «performante», qualifiant la classe C de «moyennement performante». C’est l’un des points de «divergence» soulevés par Emmanuelle Wargon, qui a rappelé que le gouvernement visait «une étiquette A, B ou C à l’horizon de 2050».
La priorité du gouvernement réside dans la chasse aux «passoires thermiques», ces logements énergivores classés F et G. La France en compte environ 4,8 millions, selon le ministère de la Transition écologique, dont un tiers sont occupés par des propriétaires à faible revenu. Le projet de loi prévoit en premier lieu d’interdire, lors du renouvellement d’un bail ou de la remise en location, d’augmenter leur loyer. Les sénateurs proposent d’avancer d’un an l’entrée en vigueur de cette interdiction, soit dès la promulgation de la loi. En 2025 pour la classe G puis en 2028 pour la classe F, ces logements seront ensuite interdits à la location.
«J’aimerais éviter de voter une loi dont je ne suis pas sûr de voir l’application de mon vivant»
Pour les logements classés E, les écologistes dénoncent un «recul». Leur interdiction en 2034 prévue par les députés, a en effet été repoussée en 2040 par la majorité sénatoriale, qui a jugé cette échéance «plus réaliste». Avec ce vote, les élus LR s’alignent sans surprise sur l’inquiétude exprimée par les professionnels de l’immobilier. «Interdire la location de logements E, représentant à eux seuls un quart du parc de logements actuellement loués, dans un horizon irréaliste, revient à mettre en péril les conditions de logement à moyen terme de près de 5 millions de Français», ont-ils mis en garde.
En revanche, les sénateurs ont intégré la classe D au calendrier d’interdiction de louer des logements indécents, mais à compter de 2048. «C’est quand même dans 27 ans», a relevé le sénateur écologiste Daniel Salmon. J’aimerais éviter de voter une loi dont je ne suis pas sûr de voir l’application de mon vivant». Mais pour Dominique Estrosi Sassone, «on trace une trajectoire, on donne de la visibilité y compris à la filière du bâtiment».
Plusieurs mesures visent les propriétaires de logements mis en location. «On ne peut pas être que sur le bâton, il faut aussi qu’il y ait une carotte», justifie la rapporteure. Sont donc ainsi proposés : le doublement du plafond du déficit foncier à partir d’un montant significatif de travaux, l’élargissement pour les logements F et G du dispositif «Denormandie» d’aide fiscale ou une exception à l’encadrement des loyers dès lors que les passoires thermiques font l’objet d’une rénovation performante.
C’est également dans ce volet accompagnement que la droite sénatoriale a introduit pour les bailleurs «un congé pour travaux de rénovation énergétique», lorsqu’ils sont importants et ne peuvent se faire dans un logement occupé, une mesure qui inquiète la gauche. Emmanuelle Wargon y voit également «un réel risque de détournement d’un tel congé lorsque le bailleur souhaite libérer le logement». Dans la suite de la navette parlementaire, les députés pourront revenir sur les modifications apportées par le Sénat en première lecture.