Trouver un logement quand on est en CDD ou en intérim, et sans parents pour se porter caution, est une galère sans nom. Il existe pourtant un dispositif encore méconnu, la garantie des loyers Visale, pour Visa pour le logement et l’emploi. Réservée aux moins de 30 ans (étudiants ou actifs) ou aux salariés touchant moins de 1 500 euros par mois, cette caution, qui est gratuite, est facile à obtenir : il suffit pour le demandeur de faire la démarche sur le site dédié. Ensuite, c’est Action Logement, organisme paritaire issu du 1 % logement, qui prend le relais, et couvre les impayés de loyers ou de charges, ainsi que les dégradations éventuelles, pendant au plus trois ans. Explications avec Jérôme Drunat, le directeur général de l’Association pour l’accès aux garanties locatives, filiale d’Action Logement en charge de Visale.
A quoi sert la garantie Visale ?
Ce dispositif répond à un enjeu fort, identifié par les partenaires sociaux depuis longtemps : l’inadéquation entre la précarisation du marché du travail – 85 % des entrants sur le marché du travail sont en CDD – et une exigence des bailleurs, en particulier dans le parc locatif privé, qui est de plus en plus grande. La réponse à la crise du logement ne peut pas être seulement de construire des logements abordables : il faut aussi des solutions pour permettre aux jeunes ou aux salariés modestes d’accéder au parc privé.
Visale, c’est une sécurité pour les bailleurs, pour qui les jeunes cochent toutes les cases de «l’insécurité locative» : paupérisation (22%, contre 14,6% pour l’ensemble de la population), chômage (15%, contre 7,4%), contrats de travail précaires, et loyers plus élevés car ils occupent des logements plus petits, dans des zones très tendues…
Les étudiants bénéficient-ils aussi de cette garantie ?
Au 1er juin, sur les plus de 700 000 ménages logés grâce à cette garantie, 91 % avaient moins de 30 ans, dont 48 % étaient des étudiants. Or il manque actuellement 400 000 logements au regard de la population étudiante (près de 3 millions), une carence qui oblige souvent les jeunes à cohabiter avec leurs parents.
Selon la Fondation Abbé-Pierre, le nombre de contrats Visale «reste à des niveaux bien loin de son public potentiel» : elle ne couvrirait ainsi que 2,5% des logements loués en France, contre 15 à 20% pour les assurances loyers impayés et 41% pour le cautionnement par des proches. Faut-il, pour la généraliser, la rendre obligatoire ?
En 2021, 227 000 ménages ont été logés grâce à Visale. J’y vois la preuve que le dispositif, s’il peut encore gagner en notoriété, monte en puissance. Grâce à cette caution, on observe en outre un changement de comportement des propriétaires : ils ont diminué leur exigence en termes de taux d’effort [rapport entre le loyer et les revenus, ndlr] et de stabilité du contrat du travail. Comme l’indiquait récemment Jean-Marc Torrollion, le président de la Fédération nationale de l’immobilier [le principal syndicat des professionnels du secteur], Visale est maintenant un dispositif qui a acquis la confiance des bailleurs et qui s’installe dans leur pratique.
Témoignages
L’approche de discrimination positive retenue par les partenaires sociaux à travers Visale a fait la preuve de son efficacité dans la correction des inégalités d’accès au logement locatif privé, et un chiffre le prouve : 92 % des bénéficiaires de Visale ne répondent pas aux critères «habituels» de sélection des bailleurs – stabilité professionnelle, CDI et taux d’effort inférieur à 33 %. Sans cette caution, la quasi-totalité des bénéficiaires de Visale seraient donc exclus du marché locatif privé, en particulier dans les zones tendues. C’est bien la preuve qu’il n’est pas nécessaire de rendre cette garantie obligatoire pour qu’elle soit utilisée par les bailleurs privés.