La série noire continue à Toulouse. Les sapeurs-pompiers de la Haute-Garonne ont évacué dans l’urgence les habitants d’un immeuble à deux pas de la place du Capitole dans la soirée du mardi 21 mai. Le risque d’effondrement de ce beau bâtiment de trois étages a été invoqué après un dégât des eaux qui avait provoqué la chute d’un faux plafond. C’est la huitième évacuation en seulement deux mois dans la quatrième ville de France (500 000 habitants). La chute d’un immeuble en brique qui s’est effondré comme un château de cartes le 9 mars dans la très commerçante rue Saint-Rome en pleine nuit a marqué les esprits. Depuis, les signalements se multiplient à la moindre lézarde. Le service «Allo Toulouse» de la municipalité a reçu 150 appels de résidents ou de voisins inquiets de l’état d’un logement en seulement trois jours, soit autant que sur toute l’année 2023.
François Piquemal, ancien élu municipal d’opposition devenu député (LFI), tire à boulets rouges sur le maire, Jean-Luc Moudenc (ex-LR), qu’il espère bien déloger aux prochaines élections municipales. «C’est le résultat de dix ans de laxisme et d’incurie», a aussitôt accusé l’ex-porte-parole de l’association Droit au logement à Toulouse sur X (ex-Twitter). «Le résultat du laxisme des propriétaires et des syndics de copropriété», lui répond derechef l’élue municipale chargée du dossier, Claire Nison. Jusqu’alors cantonnée aux campagnes routinières de ravalement des façades, cette quadragénaire sans étiquette qui a rejoint l’équipe du maire en 2020 est en première ligne depuis de longues semaines.
Immeubles branlants
Le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc qui s’est rendu ce jeudi 23 mai aux obsèques de son «ami» Jean-Claude Gaudin, veille surtout à ne pas être assimilé à l’ancien maire de Marseille, plombé par l’effondrement mortel de deux immeubles de la rue d’Aubagne. «Il n’y a eu ni mort ni blessé», fait valoir Moudenc, qui vante «la réactivité» des services municipaux. Les habitants de l’immeuble qui s’est effondré avaient été évacués la veille, après le signalement d’un occupant. Heureuse coïncidence, le lanceur d’alerte est un ancien étudiant en droit de la copropriété, militaire réserviste qui venait d’être embauché dans un cabinet immobilier spécialisé dans la location-vente d’immeubles anciens rénovés. La ville a aussi pris en charge les trois habitants évacués le 21 mai.
Combien d’immeubles branlants se tapissent sous les façades de briques et les arrière-cours dissimulées derrière les boutiques et les restaurants du centre historique de Toulouse ? Jean-Luc Moudenc, qui caressait l’idée de se mettre dans les pas d’Alain Juppé à Bordeaux en décrochant à son tour un classement de la ville au patrimoine mondial de l’Unesco, devra finalement se contenter du label «site et patrimoine remarquable» prévu par la loi Malraux de 1962. La ville, qui se vantait de disposer du «plus grand secteur sauvegardé de France» depuis 1986 (256 hectares délimités par les anciens remparts transformés en boulevards), va enfin traduire ses velléités patrimoniales dans ses documents d’urbanisme en 2025. Rebaptisé «plan de sauvegarde et de mise en valeur» (PSMV), le vieux dispositif inventé par l’ancien ministre de la Culture du général de Gaulle pour convaincre les propriétaires d’immeubles historiques de les restaurer en échange d’un crédit d’impôt ressort opportunément des tiroirs avant le scrutin municipal de 2026.
Un autre visage du centre-ville
Les différentes municipalités qui se sont succédé au Capitole avaient jusqu’à présent laissé ce plan prendre la poussière, officieusement par crainte de transformer le centre-ville hérité du Moyen-Age en «musée» à ciel ouvert. Une étude réalisée par l’Agence départementale d’information sur le logement (Adil) de la Haute-Garonne pour le compte de la Fondation abbé-Pierre donne à voir un autre visage du logement dans le centre historique. Cette «enquête flash» s’est focalisée sur 44 arrêtés d’insalubrité pris par le maire ou le préfet à Toulouse ayant fait l’objet d’une mesure de relogement entre 2017 et avril 2023.
Une majorité (25) sont concentrés dans le centre-ville. Claire Nison, qui réside dans le quartier résidentiel de Saint-Simon, avait jusqu’à présent tendance à montrer du doigt les copropriétés dégradées des quartiers périphériques, identifiées de longue date. Certaines ont été réhabilitées avec les crédits de la politique de la ville, d’autres démolies. François Piquemal, qui s’oppose aux démolitions-reconstructions de HLM dans le quartier du Mirail, préconise de lancer une opération programmée d’amélioration de l’habitat (Opah) avec les crédits jusqu’alors réservés aux quartiers dits «sensibles». Jean-Luc Moudenc annonce de son côté l’instauration d’un «permis de louer» qui concernera les propriétaires des 12 700 immeubles du périmètre du futur PSMV. Une disposition qui ouvre la voie à de possibles inspections avant la mise d’un bien sur le marché.