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Logement

Vote de la loi «anti-Airbnb» : la plateforme joue la transparence de façade avec un portail d’accès à ses données

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L’entreprise américaine de location de courte durée a annoncé ce lundi 18 novembre le lancement d’un portail permettant aux mairies d’accéder à ses données. Ce qui est en fait une obligation légale.
Une annonce Airbnb sur l'application pour smartphone. (Jean-Michel Delage/Hans Lucas. AFP)
publié le 18 novembre 2024 à 17h54

Une manière de donner des gages de coopération ou simplement de reprendre le contrôle du «narratif», comme on dit en langage marketing ? Alors que les villes et collectifs d’habitants réclamaient de longue date davantage de transparence de la part d’Airbnb, et dix jours à peine après le vote par le Parlement d’une loi de régulation des meublés de tourisme, la plateforme américaine a annoncé ce lundi 18 novembre l’ouverture prochaine d’un portail d’accès à ses données à destination des mairies. La déclaration, faite auprès de France Info à la veille de l’ouverture du Salon des maires de France, permet à Airbnb de montrer patte blanche face à des élus locaux échaudés.

Parmi les données fournies par ce portail – déjà en ligne et répondant au nom de «Panda», pour Portail d’accès national aux données Airbnb – figureront selon France Info «le nombre de nuitées et de voyageurs hébergés par les hôtes, les retombées économiques générées par les séjours», ou encore «le nombre d’hébergements et leur nature (chambre chez l’habitant, résidence principale, résidence secondaire ou locations de meublés de tourisme dédiées) au sein de la ville et dans chaque quartier». De quoi, pour les mairies, «mieux appréhender les principaux flux touristiques et l’activité des hôtes, évaluer les bénéfices de la location meublée touristique localement et visualiser la part de meublés de tourisme dédiés à la courte durée au sein de chaque quartier», met en avant la plateforme.

En réalité, Airbnb, comme toutes les autres plateformes de location de courte durée, est déjà tenu légalement de transmettre ces données – un texte voté au Parlement européen en 2023 a même imposé que cette transmission soit mensuelle. Rien de bien nouveau, donc, si ce n’est une accessibilité aux données en temps réel. «Airbnb présente comme une démarche volontaire quelque chose qui est imposé par la loi… C’est comme si je demandais une médaille parce que je paye mes impôts», ironise auprès de Libé Ian Brossat. Pour le sénateur et conseiller communiste de Paris, qui se bat depuis des années contre les dérives de la plateforme dans la capitale, la démarche est certes «gonflée», mais il s’agit là d’une «stratégie très habituelle de leur part». «Ils cherchent à montrer un visage plus avenant au moment où l’étau se resserre contre eux», ajoute l’ex-maire adjoint au logement d’Anne Hidalgo.

Une nouvelle «boîte à outils» pour les maires

Le 7 novembre, le vote du texte souvent surnommé «loi anti-Airbnb» a montré l’étendue du ras-le-bol contre l’entreprise américaine. Portée par le député socialiste des Pyrénées-Atlantiques Iñaki Echaniz et la députée macroniste du Finistère Annaïg Le Meur, cette proposition de loi a réuni des députés de divers partis, dans une rare unité transpartisane, malgré un intense lobbying de la plateforme et plusieurs péripéties législatives. Preuve que le sujet d’Airbnb, avec ce qu’il engendre de nuisances, d’augmentation des prix et de disparition des logements du marché dans l’ensemble du pays, est devenu sensible.

Dans la foulée du vote du texte au Parlement, qui met notamment à disposition des mairies une «boîte à outils» pour réguler les meublés de tourisme, les villes commencent à prendre des mesures. C’est le cas de Paris, qui devrait décider cette semaine lors de son conseil municipal d’abaisser, comme le prévoit la nouvelle loi, de 120 à 90 le nombre maximal de jours par an durant lesquels un particulier pourra légalement louer sa résidence principale.