Sur la vitrine de sa boutique du boulevard Gaudin, les vieilles cartes postales se font la malle, elles dégringolent les unes sur les autres, semi-scotchées, quasi effacées, toutes gondolées. Au milieu, une affiche qui semble rescapée de la bataille du souvenir, suggère au badaud : «Identifiez-moi ces villages corses». Chez «Amadori di Ritratti», «Portrait, mariage, identités, reportages, reproduction, occasion, dépôt-vente, réparations et expertises», le temps fait grève, refusant obstinément de quitter les années 80. Tout comme le maître des lieux, assis sur de vieux oreillers face à un ordinateur qui le nargue : «Votre appareil a rencontré un problème». Louis Adamadori, œil bleu fripon et cheveux blancs en catogan, propose la visite de sa minuscule échoppe sombre qui n’usurpe pas le surnom de «caverne». Il désigne une photo de Johnny Halliday en concert avant de lâcher nonchalamment : «Un peu prétentieux, le mec.» Là, sur le cliché en noir et blanc, c’est Mick Jagger, à Bastia, en 1971. Le chanteur des Rolling Stones, en pantalon pattes d’éph, marche dans une rue pavée. Il est flou. Amadori se marre : «il m’a fait un doigt d’honneur. Il m’a dit “fuck you”. Je n’étais pas encore un pro.»
Désormais, le photographe s’est taillé une réputation locale, une légende de coin de la rue et de petit bout de Corse. «Ah oui, Loulou, celui qui prenait les stars en photos dans les années 70, il est connu ici», s’exclame le serveur du resta