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«Ma mâchoire est tombée» : stupeur dans l’Isère après que la préfecture s’est opposée au congé menstruel dans plusieurs communes

La préfète du département a saisi la justice administrative contre plusieurs dispositifs, dont le congé menstruel ou le congé deuxième parent, adoptés par plusieurs villes et la métropole de Grenoble.
Selon la préfète de l'Isère, ces congés créent «une rupture d’égalité et de parité» entre agents en ayant pour conséquence de «contourner la règle des 1 607 heures» de travail par an. (skaman306/Getty Images)
publié le 27 janvier 2025 à 20h56
(mis à jour le 28 janvier 2025 à 11h38)

Un saisissant coup de frein aux avancées en faveur des femmes. Catherine Séguin, préfète de l’Isère, a lancé plusieurs recours contre différents dispositifs comme le congé menstruel ou celui pour interruption de grossesse, adoptés ces derniers mois dans plusieurs communes du département. Ces dispositifs permettent à leurs agents d’avoir des jours de congé en cas de règles douloureuses ou pour aligner le congé du deuxième parent sur le congé maternité après une naissance.

Ils ont pour point commun «d’instaurer de nouveaux motifs d’autorisations spéciales d’absence (ASA) non prévus par la réglementation», une création «irrégulière» puisque le cadre légal en vigueur «n’ouvre pas le droit au bénéfice d’une ASA pour raison de santé», estime la préfecture. En outre, ils créeraient «une rupture d’égalité et de parité» entre agents en ayant pour conséquence de «contourner la règle des 1 607 heures» de travail par an. Catherine Séguin a ainsi «décidé de déférer ces délibérations au tribunal administratif».

Grenoble, Echirolles, Seyssinet-Pariset dans le viseur

Les communes concernées sont Grenoble et les villes limitrophes d’Echirolles et Seyssinet-Pariset, auxquelles s’ajoute la métropole de Grenoble, toutes à majorité de gauche, qui ont fait part dans un communiqué commun de leur «stupeur» face à cette décision visant selon elles des congés «innovants» et «en faveur de l’égalité femmes-hommes». Citée par France 3 Régions, la maire PCF d’Echirolles, Amandine Demore, se dit estomaquée : «Ma mâchoire est tombée quand j’ai lu le courrier de la préfecture.»

La ville de Grenoble a reçu un référé suspensif concernant le congé «deuxième parent» au tribunal administratif pour le 4 février, et la métropole est également visée par un référé suspensif pour les trois congés (menstruel, deuxième parent, IVG) adoptés en décembre, détaillent les intéressées. Quant aux communes d’Echirolles et de Seyssinet-Pariset, elles ont reçu de la part de la préfecture «une demande d’abrogation “sans délai” de leurs délibérations concernant le congé menstruel».

Echec d’une proposition de loi au Sénat en février 2024

«Comment le Président et son gouvernement peuvent-ils prétendre que l’égalité femmes-hommes est une grande cause des quinquennats ?» s’indignent les maires et le président des quatre entités. «Le seul motif de ces actions préfectorales semble relever d’une vision dogmatique d’une durée du travail effectif sacralisée à 1 607 heures par an», déplorent-ils. Les maires et la métropole demandent au gouvernement de «se positionner nationalement» sur la question et de «ne pas freiner les avancées sociales et les initiatives locales impulsées par les collectivités territoriales».

L’Espagne, plusieurs collectivités, dont les villes de Strasbourg ou la région Nouvelle-Aquitaine, et des entreprises ont mis en place depuis deux ans des congés menstruels, mais une proposition de loi sur le sujet a échoué au Sénat en février dernier.