Dans le hall de l’immeuble, en fin de matinée, Moussa (1) laisse le facteur terminer son boulot. Adossé au mur, il le guette mettre les mauvaises nouvelles et les factures dans les boîtes aux lettres en le charriant. Le facteur remballe. Il grimpe sur son vélo pour poursuivre sa tournée dans cette cité de la banlieue nord de Paris, en Seine-Saint-Denis. La voie est libre. Moussa, à la limite du double mètre, revient sur une histoire qu’il a déjà brièvement postée sur les réseaux sociaux avant de la supprimer. Sa voisine de palier, Sandrine (1), a voté pour Jordan Bardella aux élections européennes. Elle lui a dit le jour du vote. «Je ne m’y attendais pas.» Moussa rejoue la scène en se redressant. «Je l’ai croisée ici, dans le hall. Elle revenait du bureau de vote.» Le trentenaire lui a seulement lâché un sourire de politesse en retour ; trop pressé pour discuter. Sandrine, 56 ans, lui a dit sans animosité. «Naturellement.» Ils se connaissent depuis presque toujours. Pas une seule embrouille au compteur. «Je l’aime bien, mes parents aussi. Franchement, ça ne change rien pour moi, ça reste toujours ma voisine de palier. Elle est juste en face de ma porte. Nous avons vu ses enfants grandir.»
A la nuit tombée, après l’annonce officielle du résultat canon du Rassemblement natio