Rendez-vous était donné devant la tour du groupe TF1 pour protester contre l’interview du Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou diffusée ce jeudi 30 mai soir sur LCI. «Israël assassin !», lance une file d’une quinzaine de jeunes à quelques centaines de mètres des locaux du média, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), escortée par le double de policiers, à pieds et à motos.
Il n’est pas encore 19 heures, moment du ralliement appelé par l’insoumise Rima Hassan sur X, mais les forces de l’ordre exfiltrent déjà le moindre passant pour tuer dans l’œuf le rassemblement non autorisé. Le chef du gouvernement de l’Etat hébreu ne doit s’exprimer que dans une heure et demie sur la chaîne d’info en continu, sa première déclaration dans un média français depuis le 7 octobre et le début de la guerre Hamas-Israël.
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Alors par petits groupes, les manifestants marchent d’abord sans trop savoir entre les immeubles de bureaux du quartier en bord de Seine, mais ne comptent pas partir. «C’est important d’être là, c’est tout ce qu’on peut faire pour les Palestiniens. C’est une honte, on peut à peine exprimer notre soutien, et ils invitent le responsable de tout ça», s’énerve Mia, la vingtaine, enroulée dans un drapeau vert, blanc, rouge et noir. Autour d’elle, la majorité des visages semble du même âge, dans les 20 ou 30 ans – même si quelques plus âgés se dégagent.
Dans la plupart des regards, transparaissent les mêmes sentiments : incompréhension et colère. «Comment on peut avoir d’un côté un mandat d’arrêt [demandé par le procureur, ndlr] de la CPI contre Nétanyahou, et de l’autre la France, pays des droits de l’homme, qui l’invite dans l’une de ses plus grosses chaînes ?» soupire Célia (1), écharpe avec les mêmes couleurs autour du cou.
«Tu crois qu’ils nous voient ?»
Les grappes de manifestants se retrouvent au compte-goutte. Quand les uns forment un paquet assez important et se retrouvent encerclés par des dizaines de CRS, d’autres filent dès qu’ils voient des mouvements et des drapeaux flottants plus loin. Le tout ponctué par les slogans, entre les «Free free Palestine» et «tout le monde déteste Nétanyahou».
Et puis ils trouvent finalement une alternative : une centaine se regroupe à l’entrée du périph, face à la tour TF1 qui trône un peu plus loin. Ils chantent un peu plus fort encore, accompagnés de l’odeur âcre de quelques fumigènes. «Tu crois qu’ils nous voient ?», lance un jeune en fixant le bâtiment vitré au loin du groupe de Martin Bouygues. Le rassemblement, qui s’est déroulé sans incident, a comptabilisé jusqu’à 2 500 personnes au plus fort de la soirée, selon les chiffres déclarés par la préfecture de police de Paris.
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Entre les manifestants, Thibaut et Louis tentent une analyse, un brin désabusés. «Avec cette interview, Netanyahou dirige son discours vers les Français, peut-être pour assurer son autorité. Il va faire trente minutes de propagande et se foutre de notre gueule», avance le second en haussant les épaules, les mains dans son trench beige.
A quelques pas, Yasmine crie dans son microphone. «Depuis le 10 octobre», soit le lendemain de l’annonce du siège de Gaza par l’armée israélienne consécutive à l’attaque terroriste du Hamas, la sexagénaire participe à chaque manifestation propalestinienne. «Toujours celles qui sont autorisées», sauf celle d’aujourd’hui : «La rage» de voir le Premier ministre israélien invité sur le plateau d’une télévision française, «un criminel», lui a fait braver l’interdit. Et qu’importe l’heure et demie de transport pour venir, les cordons des forces de l’ordre à passer, les trombes d’eau glacées qui se sont abattues sur le rassemblement pendant dix minutes. «On se prend la pluie, eux des bombes, tranche-t-elle. Je ne pouvais pas ne pas être là.» Et elle viendra aux prochaines, dès samedi. «J’y serai jusqu’à la fin.»
Mise à jour : ce vendredi 31 mai à 9h23, avec l’ajout de l’estimation du nombre de manifestants par la préfecture de police.