Des milliers de personnes, portées par un «devoir humanitaire» pour certaines, par une «profonde empathie» pour d’autres, se sont à nouveau réunies ce jeudi 19 octobre en soutien au peuple palestinien sur la place de la République, à Paris. Malgré l’interdiction de la préfecture de police, Friha, Marocaine de confession juive, keffieh sur les épaules, est venue brandir un drapeau palestinien avec sa fille. «C’est mon devoir humanitaire d’être là, je ne peux pas assister à un tel massacre sans rien faire […]. Surtout, j’en ai marre qu’on tue des gens au nom de ma religion. Il ne faut pas tout mélanger. Mais j’ai de l’espoir. J’ai déjà vu des régimes racistes et autoritaires tomber, alors pourquoi l’apartheid israélien ne tomberait pas, lui aussi ?»
Quelques mètres plus loin, Bénédicte et Marie, venues manifester «comme hier et comme la semaine dernière», tentent d’échapper au cordon policier qui se resserre autour d’elles. «C’est disproportionné, il y a plus de policiers que de manifestants», fustige la première, qui a peur que «ça dégénère». Au même moment, une jeune femme leur tend des autocollants jaunes. En lettres noires : «Vive la résistance du peuple palestinien», lit à voix hautes Bénédicte, avant de l’enfouir dans son sac. Elle ne le portera pas. Elle préférerait un autre slogan. «Contre le Hamas, contre Nétanyahou et pour les civils, malheureusement pris entre deux feux, par exemple. Parce que si entre les lignes, les chants des manifestants veulent dire, “on soutient le Hamas”, c’est non !» assène Marie.
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«On est pour un cessez-le-feu, pour la paix. Les manifestations comme ça ne devraient pas être interdites», ajoute-t-elle avant de se presser hors de la place, voyant les CRS se casquer et sentant les gaz lacrymogènes embaumer l’air. Au beau milieu de la place, un camion à eau, gyrophares allumés, prend doucement place sur le parvis, sous la huée des manifestants. Dans les rues alentour, les cordons policiers sont hermétiques : «Impossible de sortir, il fallait réfléchir avant de venir manifester madame», lâche un policier. Depuis un balcon, un fumigène vert est craqué. Les applaudissements gagnent toutes les rues. «Vous voyez, ça, c’est 1 500 euros d’amende», ajoute l’agent.
«Nous sommes tous des Palestiniens»
19h15, à la surprise générale, la manifestation est à nouveau autorisée, sur décision du tribunal administratif de Paris. «L’exécution des arrêtés […] du préfet de police du 18 octobre est suspendue en tant qu’ils interdisent le regroupement projeté entre 19 heures et 20 heures», indique le tribunal dans son ordonnance. «Ça prouve l’absurdité dans laquelle on est actuellement», selon Myriam, la vingtaine, venue manifester avec une amie. Elle dénonce le fait que la manif soit seulement autorisée une heure. «C’est tout aussi absurde que la décision de Darmanin d’interdire toutes les manifestations propalestiniennes.» Pour rappel, le 12 octobre, dans un télégramme adressé aux préfets, le ministre de l’Intérieur avait ordonné d’interdire – de manière systématique – ces rassemblements, avant que le Conseil d’Etat ne désavoue sa décision mercredi, arguant qu’il revenait aux préfectures «d’apprécier» au cas par cas si elles devaient être interdites, ou pas.
Pendant une heure sur la place de la République, les manifestants ont comme «repris leurs droits», selon Myriam. «Nous sommes tous des Palestiniens», «enfants de gaza, enfants de Palestine, c’est l’humanité qu’on assassine», scande la foule. Une vingtaine d’entre eux sont même montés sur la statue au beau milieu de la dalle, sur laquelle sont désormais tagués à la peinture rouge «Gaza vaincra» et «Occident complice d’Apartheid».
20 heures tapantes, la mobilisation est à nouveau interdite. Les forces de l’ordre ne perdent pas de temps. En quelques minutes, les revoilà en place. Les nasses reprennent, les slogans antiflics refont surface.