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Libération
Reportage

Marche pour les libertés : dans les rues d’Angers, deux camps, deux ambiances

Ce samedi, les organisateurs de la Marche des libertés ont dû se résoudre à laisser la place du Ralliement, au cœur de la ville, à deux partis d’extrême droite angevins, qui appelaient à un rassemblement contre la «dictature sanitaire».
La Marche pour les libertés à Angers, ce samedi. (Théophile Trossat/Libération)
par Maxime Pionneau, Correspondant à Angers
publié le 12 juin 2021 à 18h51

A Angers, la place du Ralliement n’a jamais aussi mal porté son nom. Ce samedi, trois manifestations diamétralement opposées devaient avoir lieu sur la place bordée d’immeubles haussmanniens. Jeudi, la préfecture du Maine-et-Loire a tranché : pour éviter les affrontements, le «village des luttes» (réunissant une quinzaine d’organisations de gauche) a été annulé et un autre point de départ a été choisi pour la déclinaison locale de la marche nationale «pour les libertés et contre l’extrême droite». Reste un rassemblement contre la «dictature sanitaire» organisé par deux partis d’extrême droite, les Patriotes et Via, la voie du peuple. «La préfecture a donc choisi son camp», dénonce le NPA 49 dans un communiqué. «Nous avons fait notre déclaration le 30 mai», se défend Jean-Yves Rineau, délégué départemental de Via.

A l’ombre du Grand Théâtre, ils sont une trentaine à s’être mobilisés derrière les partis de Florian Philippot et Jean-Frédéric Poisson. «Je pensais qu’il y aurait plus de monde, c’est décevant», regrette un manifestant non encarté. Sac en bandoulière, il trouve Marine Le Pen «trop molle». Bien sûr, personne ici ne se revendique d’extrême droite. «On canalise plus facilement l’opinion médiatique en utilisant le terme “extrême”», croit savoir Benjamin, ancien militaire de 37 ans. L’étiquette qu’on lui colle, il s’en fout «complètement». «On peut me dire complotiste aussi…» Il dit s’informer auprès des «libres-penseurs, des libres-parleurs». «Via n’est pas un parti d’extrême droite […] Je suis amoureux de la France», argue Jean-Yves Rineau.

Un mégaphone en main, ce catholique choletais de 62 ans prévient l’assemblée surplombée de quelques drapeaux tricolores : «La place devra être totalement libérée à 15h30.» On conseille aux participants de respecter les gestes barrières, car «on est toujours en dictature sanitaire». Pourtant, la plupart ont laissé tomber les masques. «Ça rappelle les heures les plus sombres de notre histoire», ose Patrick Mignon, porte-parole de Via. Il tente une comparaison avec 1984 ou le Meilleur des mondes, Orwell ou Huxley, se mélange un peu les pinceaux, récite finalement une citation d’Huxley : «La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie.»

«L’Alvarium est le venin de l’extrême droite»

Quelques centaines de mètres plus loin, 750 manifestants (selon les organisateurs) se préparent à marcher contre l’extrême droite. Localement, celle-ci a toujours été contenue électoralement par une droite conservatrice et catholique. Selon un sondage Ipsos Sopra Steria pour France 3, le candidat Rassemblement national aux élections régionales, Hervé Juvin, n’arriverait, avec 17 % d’intentions de vote, qu’en quatrième position. Sur les bords de Maine, les doctrines nationalistes s’expriment surtout à travers un autoproclamé «centre communautaire d’actions sociales et culturelles», l’Alvarium («la ruche», en latin). Cette association «nationale-catholique» possède un local dans le centre-ville et revendique 130 adhérents.

«A Angers, l’Alvarium est le venin de l’extrême droite […] Ce n’est pas un bar associatif, c’est une officine de recrutement pour apprenti-fasciste», déclare au micro une militante de Solidaires. Ces derniers mois, la ville a davantage fait parler d’elle pour les agissements de quelques gros bras nationalistes que pour sa douceur climatique. Saccage du local d’une association libertaire en janvier, tag d’une croix celtique sur un pan du mur de Berlin en mars, tabassage de deux personnes pour avoir collé un autocollant antifasciste sur le volet de l’Alvarium fin mai… Cette semaine, huit députés ont demandé à Gérald Darmanin la dissolution de l’association identitaire. Avant que le cortège ne se mette en branle, un militant lance au micro : «Nous allons reprendre la place du Ralliement !»