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Libération
Décryptage

Menaces de mort et démission du proviseur au lycée Maurice-Ravel : quelles suites pour l’affaire ?

Après une altercation avec une élève au sujet du port du voile et des menaces de mort, le proviseur de la cité scolaire du XXe arrondissement de Paris a décidé de se retirer de ses fonctions. «Libération» fait le point sur les suites de l’incident.
Le lycée Maurice-Ravel, dans le XXe arrondissement de Paris, le 28 mars. (Lionel Urman/ABACA)
publié le 28 mars 2024 à 15h23

Le lycée Maurice-Ravel, situé dans l’Est parisien, a pris ces derniers jours une envergure nationale. Le proviseur de la cité scolaire du XXe arrondissement de Paris, menacé de mort sur Internet après une altercation avec une élève fin février pour qu’elle enlève son voile, a quitté ses fonctions pour des «raisons de sécurité». C’est ce qu’a indiqué mardi 26 mars un message interne envoyé aux enseignants, élèves et parents par le proviseur. Le rectorat, lui, évoque un départ à la retraite anticipé de quelques mois, pour convenances personnelles.

L’élève à l’origine du départ du proviseur, étudiante de BTS au sein de l’établissement, avait affirmé début mars au Parisien avoir été «tapée violemment au bras» par le proviseur. «Violentée» pour avoir refusé d’enlever son voile. Ce jeudi 28 mars, la plainte déposée par l’élève a été classée sans suite par le parquet de Paris pour «infraction insuffisamment caractérisée».

De son côté, le proviseur a déposé une plainte pour acte d’intimidation envers une personne participant à l’exécution d’une mission de service public. Parallèlement, une enquête pour cyberharcèlement a été ouverte. Un jeune homme de 26 ans, originaire des Hauts-de-Seine, a été arrêté et doit être jugé le 23 avril à Paris pour avoir menacé de mort le proviseur sur internet. Le Syndicat National des Personnels de Direction de l’Education Nationale (SNPDEN) a annoncé se constituer partie civile.

On fait le point sur les évolutions de l’affaire.

Quelle est la réponse apportée par l’Etat ?

Mercredi 27 mars, le Premier ministre a reçu à Matignon l’ex-chef de l’établissement parisien pour marquer «son soutien au proviseur et à la communauté éducative». Quelques heures après cette entrevue, Gabriel Attal, invité sur le plateau de TF1, a réitéré sa version des faits : «[Le proviseur] a tout simplement fait son travail : il a demandé à une jeune femme de retirer son voile.» Et d’ajouter : «Cette jeune femme l’a refusé et, pire encore, elle a cherché à l’intimider en l’accusant de l’avoir molestée ou de violence», a poursuivi Attal.

L’ancien ministre de l’Education a également annoncé que «l’Etat allait porter plainte contre cette jeune femme pour dénonciation calomnieuse» et a dénoncé un épisode «tout simplement inacceptable et inadmissible».

«En demandant à l’élève de retirer son voile, considéré comme un signe religieux ostentatoire, le proviseur se trouvait dans le respect du code de l’éducation», explique Maëlle Comte, avocate de droit public au sein du cabinet Admys Avocats et spécialiste des questions de laïcité. «On ne peut pas reprocher à un proviseur de faire appliquer la loi», ajoute-t-elle.

Contacté par Libération, le syndicat des chefs d’établissement, le SNPDEN-UNSA, a déclaré ne pas vouloir réagir à cette annonce. «C’est très rare qu’on décide de ne pas prendre la parole, confirme l’organisme. Notre mission principale est d’accompagner le proviseur.» Le syndicat avait pris part à un rassemblement de soutien au proviseur organisé le 5 mars.

De son côté, Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du syndicat enseignant SGEN-CFDT, se félicite de la volonté de l’Etat de «manifester son soutien au proviseur». Elle souligne que c’est maintenant «à la justice de faire son travail», tout en dénonçant une «diffusion de propos déformants qui peuvent aboutir à des drames».

Dans quelle situation se trouve maintenant le proviseur ?

Francine Dubettier, professeure de musique au collège de la cité scolaire Ravel – rencontrée mercredi aux abords de l’établissement – confirme les «séquelles psychologiques» éprouvées par le proviseur. «Il est très choqué et affecté par ce qui lui arrive. Tout cela a pris d’énormes proportions», ajoute-t-elle.

Un autre professeur croisé devant les grilles de l’établissement avoue que «la situation n’était plus tenable pour lui». Il se dit soulagé pour le proviseur, qui a «maintenant le droit à un repos bien mérité».

Comment a réagi l’élève au centre de l’affaire ?

Selon les informations obtenues par RTL, la jeune étudiante de BTS aurait quitté le lycée fin février, lorsque l’affaire a éclaté. Elle aurait ainsi mis un terme à ses études et travaillerait en tant qu’animatrice dans une école maternelle. Elle affirme s’être détournée de ses études avant même l’altercation avec son proviseur. Cet incident n’aurait fait qu’accélérer son départ.

La jeune élève se dit par ailleurs désolée par le départ du proviseur et regrette l’envergure prise par l’incident, tout en maintenant sa version des faits. Et de se confier auprès de la radio : «C’était mieux qu’il parte s’il ne se sentait pas en sécurité, moi, je suis passée à autre chose.»

Que risque-t-elle ?

Après la plainte pour «dénonciation calomnieuse» annoncée par Gabriel Attal à l’encontre de l’ex-étudiante de BTS, cette dernière pourrait ainsi être exposée à une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, selon les dispositions prévues par le code pénal.

Par ailleurs, Me Maëlle Comte met en avant le «contexte particulier» de cet incident, qui se déroule près de six mois après l’assassinat de Dominique Bernard et trois ans et demi après celui de Samuel Paty, assassiné à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). «Les enseignants sont maintenant dotés d’une protection particulière, grâce à la loi du 24 août 2021. Si des menaces leur sont adressées, comme ça a été le cas pour ce proviseur sur les réseaux sociaux, les peines encourues par les auteurs seront plus lourdes», complète l’avocate.