«Le terrible meurtre d’Aboubakar [Cissé] nous rappelle que l’islamophobie est aujourd’hui au cœur du développement du fascisme en France comme ailleurs». Des organisations et personnalités dénoncent la progression de l’islamophobie en France et appellent, dans une tribune publiée par Politis lundi 5 mai, à «une grande marche partout sur le territoire» dimanche 11 mai.
Le texte évoque la mort du jeune Malien de 22 ans, tué le 25 avril dans la mosquée de La Grand-Combe (Gard) «parce que musulman». Les signataires de la tribune, orientés à gauche, comportent des associations, comme le Collectif Contre l’Islamophobie en Europe ou Urgence Palestine, mais aussi des intellectuels et des représentants du monde culturel à l’instar de l’écrivaine Annie Ernaux, de l’actrice Adèle Haenel et de l’humoriste Waly Dia. Enfin, des organisations politiques y participent aussi, comme La France insoumise, le Nouveau parti anticapitaliste ou encore le mouvement Révolution Permanente.
Reportage
«Ce crime n’est pas un fait divers. […] C’est l’histoire d’un pays où un homme décide d’en tuer un autre qu’il ne connaît pas, parce que celui-ci prie dans une mosquée», affirment les auteurs de la tribune. La mort d’Aboubakar Cissé est loin d’être anodine, selon ces derniers, qui soulignent «une ambiance qui le favorise» et «l’obsession contre l’islam et l’immigration» de la droite et de l’extrême droite : «Le Pen, Bardella, Retailleau, Valls, Darmanin».
Le suspect, Olivier H., un Français de 20 ans, a asséné 57 coups de couteau au jeune Malien avant de se filmer, face à la victime agonisante, pour se féliciter de son acte et insulter la religion musulmane : «Je l’ai fait, […] ton Allah de merde», avait-il répété à deux reprises. «Il est noir, je vais le faire», avait-il aussi lancé sur les réseaux sociaux, juste avant de passer à l’acte.
Toutefois, selon les premières investigations, le suspect «agi dans un contexte isolé, sans revendication idéologique ou lien avec une organisation […]. Les ressorts pour agir de l’agresseur sont très vite apparus comme profondément personnels, l’envie de tuer quelqu’un, quelle que soit la cible», sur fond de «fascination morbide», a déclaré la procureure de Nîmes, vendredi.
«Silence coupable et gêné d’une partie de la gauche»
Alors que le très droitier ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, avait proposé de recevoir lundi la famille d’Aboubakar Cissé - ce qu’elle a refusé, le texte dénonce l’hypocrisie supposée des «mêmes qui alimentent le climat islamophobe depuis des années [et qui] feignent de s‘émouvoir du sort d’Aboubakar».
Mais les signataires s‘en prennent aussi au «silence coupable et gêné d’une partie de la gauche face aux expulsions d’imams» et alertent sur la montée de l’extrême droite. Un péril touché du doigt lors des dernières législatives, et plus que jamais menaçant pour la présidentielle 2027 : «Il y a quelques mois, nous avons échappé de peu à la formation d’un gouvernement ouvertement d’extrême droite mais ce sursaut, nous le savons, est peut-être provisoire. Le pire reste à craindre», s‘inquiètent-ils, craignant que «l’odieux meurtre d’Aboubakar pourrait n’être que le prologue à d’autres horreurs de masse».
Sur l’année 2024, le ministère de l’Intérieur a enregistré 173 faits antimusulmans en France, soit une baisse de 29 % par rapport à 2023. Un chiffre «sans doute en deçà de la réalité, car toutes les victimes ne portent pas nécessairement plainte», a nuancé Bruno Retailleau courant févier. Les trois premiers mois de cette année ont d’ailleurs été marqués par une augmentation spectaculaire de 72 % par rapport à 2024 des actes antimusulmans recensés par Beauvau, avec 79 cas, selon le décompte du ministère de l’Intérieur.