Blocages de lycées et de dépôts de bus, piquets de grève, coupure d’eau temporaire en Martinique, et cortèges de manifestants… Un peu plus d’une semaine après le mouvement citoyen Bloquons tout, une nouvelle journée de mobilisation s’est déroulée jeudi 18 septembre à l’initiative de l’intersyndicale. CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires appelaient à la grève et à manifester partout en France contre les mesures budgétaires «brutales» annoncées cet été. Voici ce qu’il faut retenir de la mobilisation ce jeudi en début de soirée – Libé vous faisant vivre en direct l’intégralité de cette journée ici.
A lire aussi
Entre 500 000 et un million de manifestants
Les autorités avaient annoncé anticiper une mobilisation plus importante ce jeudi que lors du mouvement Bloquons tout ; évoquant une «menace hybride» entre des actions coups de poing mêlant une partie syndicale constituée des cortèges classiques et une séquence qualifiée de «plus politique», portée selon eux par des «militants de La France insoumise».
Selon les premières estimations partagées par la CGT, il y aurait plus d’«un million de personnes» dans les rues dans toute la France. Moitié moins selon le ministère de l’Intérieur : dans un bilan publié en fin d’après-midi, Beauvau dénombrait le chiffre – très précis – de 451 789 participants aux manifestations, auxquels s’ajoutent 55 000 manifestants parisiens selon la Préfecture de police de Paris. «Nous avons recensé 260 manifestations dans toute la France», a salué la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet.
Dans le détail, les premiers cortèges en province ont réuni de 1 200 à 2 500 personnes à Bastia et Ajaccio, selon les autorités ou les syndicats, de 14 000 à 20 000 à Lyon, de 9 500 à 15 000 à Grenoble, de 15 000 à 120 000 à Marseille, de 8 800 à 35 000 à Bordeaux et de 2 800 à 8 000 à Perpignan. Des chiffres qui dépassent globalement ceux du mouvement du 10 septembre.
Tensions, blocages et intrusion à Bercy
Plusieurs lycées et université ont été bloqués dans la matinée. Comme à Marseille, au lycée Thiers, dans le centre-ville ou Maurice-Ravel à Paris (XXe arrondissement). Selon le ministère de l’Intérieur, tous les lycées français ont été débloqués à 15 h 30. Le site universitaire Tolbiac (XIIIe arrondissement de Paris) – haut lieu des mouvements sociaux - était également bloqué. L’université Paris-I Panthéon-Sorbonne a d’ailleurs décidé de fermer ce campus à la suite «d’actions violentes à l’encontre des personnels et d’un blocage des issues du bâtiment». En fin de matinée, lors d’un point presse à l’issue d’une cellule de crise, le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, a fait état d’«actions moins intenses que prévu».
Le ministère de l’Economie a de son côté dénoncé l’intrusion de cheminots de SUD rail dans les jardins de Bercy à la mi-journée. La préfecture de police de Paris précise qu’«aucune dégradation n’a été commise» et que «les manifestants sont ressortis spontanément au bout de quelques minutes».
A 14 heures, le cortège emmené par les leaders syndicaux et plusieurs responsables de gauche s’est élancé de la place de la Bastille à Paris. Après un début dans le calme, les premières tensions ont éclaté au passage du cortège dans le XIe arrondissement, notamment au niveau de la place Léon Blum et sur le boulevard Voltaire. A l’arrivée, place de la Nation, les forces de l’ordre cherchaient à 19 heures à évacuer la place, provoquant quelques tensions avec les manifestants.
A Lyon, une cinquantaine de personnes se sont emparées dans la matinée du rond-point de la Feyssine, tournant en rond à pied et à vélo pour empêcher la circulation. Au moins trois interpellations pour jets de projectiles ou tentatives de blocage ont eu lieu dans le cadre de cette mobilisation. Un journaliste de France TV a notamment été blessé lors de heurts entre forces de l’ordre et un groupe de jeunes masqués, en tête de la manifestation.
Dans le Nord, plusieurs dizaines de manifestants ont bloqué quelques heures un dépôt de bus à Villeneuve-d’Ascq, près de Lille. Et dans l’Est, à Belfort, aucun camion de livraison ne franchissait les portes du site industriel General Electric, Alstom et Arabelle Solutions ce matin, a constaté une de nos journalistes. Une centaine de salariés occupaient les lieux et réclamaient la fin de la «casse sociale». Ils ont été rejoints par les lycéens de la ville.
Selon le bilan partagé par Bruno Retailleau à 20 heures, 309 personnes auraient été interpellées, et 134 placées en garde à vue. Dont au moins 31 dans la capitale, et au moins 22 à Marseille après qu’«un attroupement de plus de 100 personnes a été contrôlé» vers 7 h 30 par la police, devant le centre commercial les Terrasses du Port. Le ministre de l’Intérieur a aussi fait état de «7 300 individus radicalisés, dangereux, black blocs».
Fonctionnaires, agents de la RATP et... pharmaciens au rendez-vous
Les 2,5 millions d’agents de la fonction publique d’Etat étaient près de 11 % à faire grève (10,95 %), les profs étant très mobilisés. Chez les enseignants, le Snes-FSU – premier syndicat des collèges et des lycées – a comptabilisé 45 % de grévistes : une «forte mobilisation des personnels du second degré» qui «témoigne d’une profonde colère face aux conditions de rentrée, au déclassement salarial et à la mise à mal de l’école publique». La FSU parle d’une mobilisation «d’ampleur», comparable à celle contre la réforme des retraites en 2023. De son côté, le ministère de l’Education avance des chiffres bien inférieurs : 17,48 % des enseignants grévistes dans le premier degré et 16,78 % dans le second degré (collèges et lycées). Le taux moyen s’élevant à 14,16 % avec les autres types de personnels, indique-t-il.
Comme prévu, les transports en commun franciliens étaient très perturbés ce jeudi matin, mais «pas bloqué[s]», a observé le ministre des Transports démissionnaire, Philippe Tabarot. Les blocages de dépôts de bus ont rapidement été levés. Côté trains, la SNCF a fait savoir que le «plan de transport» était «conforme aux attentes», avec neuf TGV sur dix en circulation, un Intercité sur deux et trois TER sur cinq.
Les pharmaciens se sont massivement mobilisés, eux aussi, pour dénoncer la réduction des remises commerciales sur les médicaments génériques. «Je fais partie d’une confrérie, je me dois d’être solidaire envers tous ceux qui partagent la même profession», a expliqué le patron d’une officine du quartier d’affaires de la Défense à une de nos journalistes.
Pour le secteur de la culture, «cette journée est une réussite», s’est réjoui Maxime Séchaud, le secrétaire général adjoint de la CGT-Spectacle, joint par téléphone. Selon ses estimations, près de «2 000 professionnels de la culture» ont rejoint le cortège qui a sillonné Paris sous la bannière de Culture en lutte, un mouvement de travailleurs et travailleuses de l’art et de la culture.
Mise à jour à 20 heures avec le nouveau bilan en fin de journée.