Un débat interne qualifié de «dur» et de riche en «émotion». Sciences-Po Paris a accueilli ce jeudi matin un townhall – terme utilisé aux Etats-Unis pour une grande réunion publique – sur le Proche-Orient, «ouvert à toutes les communautés» de l’école, après les blocages et mobilisations émaillés de tensions ces derniers jours en soutien aux Palestiniens. Après une mobilisation tendue vendredi dernier, le mouvement avait été suspendu : la direction avait accepté d’organiser ce débat, au moment où le gouvernement redouble de vigilance face à la multiplication d’actions en soutien à Gaza sur les campus français.
«J’aspire maintenant à ce que chacun retrouve le calme»
«Ça a été un débat dur, avec des prises de position assez claires, beaucoup d’émotion et donc j’aspire maintenant à ce que chacun retrouve le calme» avant les examens prévus lundi, a indiqué Jean Bassères, l’administrateur provisoire de la prestigieuse école parisienne, à l’issue de l’événement, qui a rassemblé environ 300 personnes, et au cours duquel une douzaine de personnes ont pris la parole.
Il a admis rester «extrêmement prudent sur la suite des événements», alors que la mobilisation se diffuse en France, en écho à la mobilisation croissante des campus aux Etats-Unis, marquée par le déploiement de la police sur plusieurs sites. Des actions se sont multipliées en France ces derniers jours, principalement sur les sites d’Instituts d’études politiques (IEP) en régions, mais aussi dans quelques universités et écoles supérieures.
A lire aussi :
L’administrateur provisoire a reconnu avoir «pris des positions assez fermes sur certains sujets», en refusant «très clairement la création d’un groupe de travail qui était proposé par certains étudiants pour investiguer nos relations avec les universités israéliennes». Plusieurs membres de l’équipe enseignante présents ont défendu le bien-fondé de ces partenariats, insistant sur le fait que les universités israéliennes étaient des «lieux de résistance au gouvernement» de Nétanyahou, voire ont incité à les multiplier «pour insuffler du débat dans la société civile israélienne», selon les informations de Libération.
«Il n’y a pas eu de réponse claire»
«Après un début où les débats étaient apaisés, la tension est montée à la fin», a témoigné auprès de l’AFP Hugo, 22 ans, étudiant en master à Sciences-Po, pour qui «la principale information est le refus du directeur de créer un groupe de travail pour réévaluer les partenariats de Sciences-Po». «Il y avait des demandes claires et il n’y a pas eu de réponse claire», a regretté une étudiante en master d’urbanisme, qui a refusé de donner son nom, fustigeant «une mollesse de l’administration». Des tensions ont entouré la dernière prise de parole du débat, accordée à un étudiant revendiquant le droit d’être antisioniste, des propos jugés «clivants» par Jean Bassères, abondamment hué par l’assemblée.
Sur la demande des étudiants d’interroger les «partenariats de l’école avec les universités et organisations soutenant l’Etat d’Israël», la ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau avait répété jeudi matin qu’il était «hors de question que les universités prennent une position institutionnelle en faveur de telle ou telle revendication dans le conflit en cours au Proche-Orient».
La ministre a demandé aux présidents d’université de veiller au «maintien de l’ordre» public, en utilisant «l’étendue la plus complète des pouvoirs» dont ils disposent, notamment en matière de sanctions disciplinaires en cas de troubles ou de recours aux forces de l’ordre, lors d’une intervention en visioconférence au conseil d’administration de France Universités. A l’issue de cet échange, France Universités, qui fédère 116 membres, dont 74 universités, a «salué la détermination de la ministre à porter une voie équilibrée et ferme pour un retour au calme». Le débat à peine fini, les organisations étudiantes mobilisées – l’Union étudiante et Solidaires – ont appelé à un sit-in jeudi après-midi dans le hall d’entrée de Sciences-Po.