Pierre Farine a beaucoup parlé du soleil à Fatiha Dahi. Enormément, en fait. Il est retraité depuis longtemps, elle est son auxiliaire de vie depuis six ou sept ans. Souvent, elle lui rend visite, sans raison particulière, pour prendre des nouvelles. Elle s’est attachée. Le vieil homme, 92 ans, vit seul dans une barre d’immeuble de Torcy, en Seine-et-Marne, au milieu de ses fulgurances. Dans le meuble de son couloir sont rangés, par dizaines, des petits classeurs. Ils contiennent ses croquis. Ils renferment ses passions et obsessions autour de la lumière, de la formation des galaxies, des convections – bref, des coulisses du ciel. On nous l’a présenté ainsi : «Monsieur Farine a une théorie sur le champ magnétique du soleil.» Entre autres.
C’est à peu près quarante ans de boulot, dans son coin, à plein temps. Par amour pour la science, il a épousé la solitude : «Tous les jours, je trouvais quelque chose à dessiner ou à écrire. Alors, je ne me suis plus occupé des femmes.» Monsieur Farine, presque poétique quand il décrit l’amour, possède une histoire singulière jusqu’au patronyme. Minot, son arrière-grand-père fut trouvé au XIXe siècle par des boulangers du côté de Mons, en Belgique. Sur un sac de farine.
Ses théories, des enfants de papier
Fatiha, fin de cinquantaine, l’a écouté des heures durant sans trop comprendre. Elle connaît les frères Bogdanov et Jamy Gourmaud, le cerveau à lunette