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Drame

Naufrage de Calais en 2021 : le secrétaire d’Etat Hervé Berville évoque des sanctions

Migrants, l'hécatombedossier
Le secrétaire d’Etat promet que «si à un quelconque moment il y a eu un manquement, une erreur, les sanctions seront prises» alors que lundi, «le Monde» révélait qu’avant de mourir noyés, une quinzaine de migrants avaient appelé les secours à de multiples reprises. En vain.
A Calais, le 25 novembre 2021, devant le hangar Paul-Devot, où ont été acheminés les corps des victimes du naufrage survenu dans la journée. (Marie Magnin/Hans Lucas)
publié le 17 novembre 2022 à 12h34

Après l’horreur, les promesses de sanctions. Quatre jours après la parution d’un article du Monde révélant que, dans la nuit du 23 au 24 novembre 2021, avant la mort de 27 passagers d’un navire de fortune au large de Calais, les occupants avaient appelé, en vain, à une quinzaine de reprises les autorités françaises au secours, le secrétaire d’Etat à la Mer, Hervé Berville, a assuré ce jeudi matin devant l’Assemblée nationale que «si à un quelconque moment il y a eu un manquement, une erreur, les sanctions seront prises».

«Comme vous, comme nos concitoyens, la lecture de cet article a ajouté de l’effroi à la douleur et à la tragédie», a affirmé Hervé Berville, en marge de l’examen d’un texte de coopération entre la France et la Grande-Bretagne. «Bien évidemment, si ces faits sont avérés, si ces personnes étaient dans les eaux françaises et si à un quelconque moment il y a eu un manquement, une erreur, les sanctions seront prises. Soyez-en assurés», a-t-il souligné dans l’hémicycle. Et de poursuivre : «Une enquête judiciaire est en cours» et «l’administration a également lancé une enquête interne, il y aura là aussi les leçons à en tirer».

27 corps repêchés

Dans son édition de lundi, le Monde racontait l’histoire du «naufrage le plus grave survenu depuis que des migrants entreprennent de rejoindre l’Angleterre à bord de canots pneumatiques de fortune». Après cette nuit-là, celle du 23 au 24 novembre 2021, vingt-sept corps seront repêchés dans la Manche, dont ceux de six femmes et une fillette. Libération avait raconté leurs histoires. Mais le Monde révèle les premiers éléments de l’enquête judiciaire ouverte après le drame, et qui montrent qu’aucune assistance n’a été envoyée au navire de fortune en train de chavirer malgré une quinzaine d’alertes.

D’après l’information judiciaire ouverte pour tenter de faire la lumière sur les circonstances du drame, la première prise de contact entre les migrants et le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage maritimes (Cross) intervient à 1 h 48. A ce moment-là, la personne demandant de l’aide explique que le bateau dans lequel il navigue avec 32 autres personnes est «cassé». A l’autre bout du fil, son interlocutrice lui demande de lui faire part de sa géolocalisation comme l’exige le protocole. Quelques minutes plus tard, nouvel appel. La secouriste renouvelle sa demande. «Si je n’ai pas votre position je ne peux pas vous aider», martèle-t-elle. La géolocalisation arrivera finalement quelques instants plus tard. Mais aucun navire de secours ne sera jamais envoyé.

«Ah bah t’entends pas, tu seras pas sauvé»

Pris de panique, les migrants sur le «small boat» multiplient les appels au Cross qui, lui, a alerté les secours anglais considérant qu’ils se trouvent désormais dans les eaux britanniques. «De toute façon, maintenant, ils sont dans les eaux anglaises et que s’il rappelle il faut lui dire de contacter le 999 [les secours anglais, ndlr]» maintient l’opératrice au Samu. Avant de le dire directement à son interlocuteur présent sur le bateau, pendant une énième demande de secours à 3 h 30. Alors que ce dernier lui explique qu’il se trouve littéralement dans l’eau, l’opératrice du Cross lui rétorque, dénuée de toute humanité : «Oui mais vous êtes dans les eaux anglaises.» Mais le pire est à venir. Alors que la communication coupe, la même personne lâche en aparté : «Ah bah t’entends pas, tu seras pas sauvé. J’ai les pieds dans l’eau, bah… je t’ai pas demandé de partir.»

Ne voyant aucune aide arriver, les migrants ne cessent pas leurs alertes. «Un canot de sauvetage arrive dans quelques minutes», répond l’opératrice à chaque fois alors qu’aucun navire n’a été envoyé par le Cross. Vers 5 heures, le registre du centre de surveillance et de sauvetage indique «secouru». Quelques heures plus tard, pourtant, un pêcheur du bateau Saint-Jacques 2 appellera le même Cross pour l’informer qu’une quinzaine de corps gisent à la surface de la mer.