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Tensions

Nouvelle-Calédonie : après une nuit encore agitée, des premières évacuations de touristes

Un premier vol est arrivé mardi pour évacuer des touristes coincés en Nouvelle-Calédonie, toujours à l’arrêt après une semaine d’émeutes, malgré de «nets progrès» en matière de sécurité vantés par Emmanuel Macron.
L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont annoncé mardi matin l’envoi de plusieurs vols pour évacuer leurs ressortissants. (Théo Rouby/AFP)
publié le 21 mai 2024 à 7h42
(mis à jour le 21 mai 2024 à 10h35)

L’étau se desserre légèrement. Alors que la fermeture de l’aéroport international de Nouméa aux vols commerciaux a été prolongée jusqu’à samedi à 9 heures, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont annoncé mardi matin l’envoi de plusieurs vols pour évacuer les touristes coincés sur l’archipel. Le gouvernement néo-zélandais a affrété un vol en direction de Nouméa parti en fin de matinée pour rapatrier 50 de ses ressortissants, Camberra ayant annoncé de son côté l’envoi dans la journée de deux avions qui évacueront «des touristes australiens et d’autres». L’un d’eux a atterri ce mardi vers 15 h 30 locales (6 h 30 à Paris) sur le tarmac de l’aéroport de Magenta.

«Le retour au calme se poursuit sur l’ensemble du territoire», a de son côté écrit dans un communiqué mardi le représentant de l’Etat en Nouvelle-Calédonie, le Haut-commissaire Louis Le Franc. Tandis que le spectre d’une pénurie de nourriture et de médicaments plane sur l’agglomération de Nouméa, le Haut-Commissaire a assuré que 21 grandes surfaces ont rouvert «et sont progressivement réapprovisionnées».

«On lâche pas !»

Mais Nouméa et son agglomération continuaient d’être le théâtre d’affrontements localisés et les barrages se sont même étoffés ou ont été reconstitués par endroits dans la nuit. Plusieurs témoins ont fait état d’importantes détonations et d’affrontements dans le quartier de Tuband.

Mardi matin, sur la route express qui mène à l’aéroport international, l’entrepôt d’une entreprise de fourniture de bureau était en feu. Deux carcasses de voitures empilées forment un barrage à 200 mètres de là, de jeunes hommes encagoulés filtrant le passage des voitures. Et sur les barrages, la motivation ne semble pas faiblir malgré le déploiement massif de forces de sécurité intérieure, qui dépassent désormais les 2 700 effectifs.

«On lâche pas ! On lâche pas jusqu’à ce qu’ils retirent le texte […] Même s’il faut mourir, on restera là sur les barrages», assure Simon, un chauffeur-livreur de 34 ans qui garde un barrage dans le quartier de Montravel, un fief indépendantiste. Certains véhicules peuvent passer, dont les occupants saluent les militants. «Ça fait une semaine qu’on est là, les passants sont habitués», reprend Simon qui assure que certains «nous donnent du pain, de l’eau».

A Dumbea, importante ville de l’agglomération, le centre culturel a été saccagé. «Les jeunes voulaient tout brûler, on a réussi à les en empêcher», assure un militant de la CCAT, un collectif indépendantiste accusé par l’Etat d’attiser les violences mais qui affirme rester «dans une démarche pacifique». Dimanche, les autorités avaient annoncé une vaste opération de gendarmerie pour libérer l’axe stratégique d’une cinquantaine de kilomètres reliant Nouméa à l’aéroport de La Tontouta, mais les barrages à peine «débloqués» étaient réinstallés par les indépendantistes. La plupart sont «filtrants» et laissent le passage à certains véhicules, y compris les pompiers ou ambulances à toute heure, soutient la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT).

Céder… ou pas

Les principales figures non-indépendantistes de l’archipel, réunies en conférence de presse à Nouméa, ont elles appelé mardi à poursuivre l’examen du projet de loi constitutionnelle, qui doit être adopté en Congrès avant fin juin. Son retrait serait «une erreur gravissime» qui donnerait «raison aux casseurs, aux pilleurs et aux émeutiers», a asséné le député Renaissance de Nouvelle-Calédonie, Nicolas Metzdorf. La présidente du groupe Rassemblement LR au congrès calédonien, Virginie Ruffenach, a de son côté estimé que «le terrorisme ne doit pas gagner, la violence ne doit pas gagner».

Les appels se sont multipliés, de la gauche à l’extrême droite en passant par la majorité et jusqu’à la maire loyaliste de Nouméa, pour réclamer un report de cette réforme qui prévoit le dégel du corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l’archipel. Ce dégel aurait pour conséquence de marginaliser les voix de la communauté autochtone kanak, dénoncent les indépendantistes.

A l’issue du troisième Conseil de défense organisé lundi en moins d’une semaine et où Emmanuel Macron a constaté «de nets progrès dans le rétablissement de l’ordre», l’Elysée n’a pas évoqué la question de la prolongation possible de l’état d’urgence, en place depuis mercredi. Les mesures exceptionnelles de l’état d’urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu entre 18 h 00 et 6 h 00 (9 h 00 et 21 h 00 à Paris), l’interdiction des rassemblements, du transport d’armes et de la vente d’alcool et le bannissement de l’application TikTok.

Mis à jour à 10 h 35 avec la prolongation de la fermeture de l’aéroport de Nouméa jusqu’à samedi matin.