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Libération
Décryptage

Nouvelle-Calédonie : qu’est-ce que la CCAT, cette organisation qualifiée de «mafieuse» par Gérald Darmanin ?

A l’origine des grandes manifestations de ces derniers mois, la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) milite pour l’indépendance de l’archipel. Dix de ses leaders sont assignés à résidence et d’autres pourraient suivre ce jeudi 16 mai.
Manifestation de la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) contre le projet de loi constitutionnelle portant à modifier le corps électoral pour les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, le 28 mars 2024 à Nouméa. (Delphine Mayeur/Hans Lucas)
publié le 16 mai 2024 à 12h07

Ces derniers jours, en marge des manifestations violentes qui ont lieu en Nouvelle-Calédonie, le nom d’une organisation ressort particulièrement : la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT). Ce jeudi 16 mai, sur France 2, Gérald Darmanin s’en est pris violemment aux dirigeants de cette organisation «mafieuse, violente» qui «commet des pillages, des meurtres» et n’est «pas politique». Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer s’est par ailleurs félicité d’avoir assigné à résidence «dix leaders mafieux du CCAT» mercredi grâce au régime d’état d’urgence entré en vigueur dans la soirée, et ajoute que «plus d’une vingtaine d’assignations supplémentaires» à l’encontre de membres du groupe indépendantiste seront prononcées ce jeudi.

Lors d’une conférence de presse qui s’est également tenue ce jeudi, le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, a pour sa part qualifié la CCAT d’«organisation de voyous qui se livrent à des actes de violence caractérisée avec la volonté de tuer les forces de l’ordre» dont les personnes «à la tête de cette cellule sont tous responsables et devront assumer devant la justice de la République». Rien que ça.

Dix jours de manifestations début mai

Créée fin 2023, la Cellule de coordination des actions de terrain est la branche la plus radicale du Front de libération Kanak socialiste (FLNKS), groupement de partis créé dans les années 80 ayant pour objectif central l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. C’est elle qui est à l’origine des dernières manifestations importantes qui ont eu lieu sur l’archipel. En avril, la CCAT a revendiqué avoir rassemblé jusqu’à 60 000 personnes (près d’un quart de la population calédonienne) place de la Paix à Nouméa pour un sit-in afin de dénoncer l’ouverture voulue par le gouvernement du corps électoral lors des prochaines élections provinciales.

Avant les émeutes de ces derniers jours, voyant le vote approcher à Paris sur la réforme constitutionnelle, la cellule avait lancé dix jours de manifestations le 4 mai – les «dix jours de Kanaky». Le point d’orgue de cette mobilisation avait été une manifestation mercredi 8 mai de plusieurs dizaines de milliers de personnes (selon les syndicats, 9 000 selon les autorités) au cœur des quartiers sud de la capitale, qui concentrent les populations aux revenus les plus élevés, au milieu d’un dispositif de sécurité particulièrement important. Dix-huit militants indépendantistes avaient les jours suivants été arrêtés et placés en garde à vue pour «participation armée à un attroupement, entrave à la circulation, complicité d’entrave à la circulation et dégradation». Ils revendiquaient, selon le parquet, «avoir commis les faits à l’appel de la CCAT».

Appel à l’apaisement et défense les émeutiers

Dans un communiqué publié mercredi, la CCAT a rappelé que son objectif était l’accession à l’indépendance «telle que prévue par l’accord de Nouméa» de 1998 et le gel du corps électoral local, contrairement à la réforme voulue par le gouvernement. «Nous constatons que l’Etat français par son entêtement, soutenu par les non-indépendantistes, ne souhaite pas que la paix civile perdure», écrit la cellule. La CCAT dénonce d’un côté les «exactions commises» par les émeutiers sur les commerces ou écoles et appelle à «l’apaisement», tout en assurant que les violences et dégradations sont «l’expression des invisibles de la société qui subissent les inégalités de plein fouet et qui sont marginalisés au quotidien». Elle conclut son communiqué par une promesse, adressée tant à l’Etat français qu’aux Kanaks : «Nous ne reculerons jamais et notre détermination restera indéfectible jusqu’à l’indépendance et l’avènement de la République de Kanaky.»

Pour Jean-Victor Castor, député de Guyane et membre du Mouvement de décolonisation et d’émancipation sociale, les propos tenus par le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et par le gouvernement sont inquiétants. «D’un côté, on propose d’ouvrir le dialogue et de l’autre côté, il a mis en cause les dirigeants du groupe d’action qui a réussi, quand même, à mobiliser entre 40 000 et 50 000 personnes qui étaient contre ce projet de loi sur le dégel [du corps électoral], c’est énorme», a dénoncé l’élu ce jeudi matin sur France Info.

Jean-Victor Castor s’en était déjà pris au gouvernement mercredi à ce sujet. «Nous ne sommes pas ici dans le cadre d’une réforme telle que la réforme de la retraite. Ce n’est pas un mouvement social qu’on va tenter de mater. Il s’agit d’un peuple qui revendique sa pleine souveraineté et qui a fait le choix d’avoir un destin commun avec tout le monde», avait-il déclaré dans l’hémicycle à propos des Kanaks. «Respectez cela, soyez humble, n’allez pas dans cette voie qui est une impasse politique», avait-il lancé face au Premier ministre, Gabriel Attal.