La nouvelle version de l’affichage nutritionnelle Nutri-Score, critiquée la semaine dernière par la ministre de l’Agriculture, va bien pouvoir entrer en vigueur avec la signature par les ministères concernés de l’arrêté qui organise sa mise en place, a annoncé le gouvernement ce vendredi 14 mars. «Compte tenu des enjeux impératifs de santé publique, les ministres ont décidé de signer l’arrêté modifiant les règles de calcul du Nutri-Score», explique un communiqué des ministres en charge de l’Economie, de la Santé, de l’Agriculture et du Commerce.
Qu’est-ce qui va changer dans le nouveau Nutri-Score ?
Cette nouvelle mouture du barème classe toujours les produits alimentaires de A à E (et de vert à rouge) en fonction de leur composition et de leurs apports nutritionnels. Elle est néanmoins plus sévère à l’égard de certains produits transformés par l’industrie agroalimentaire pour tenir compte de récents travaux scientifiques. Cela permet notamment «d’améliorer la différenciation entre les aliments selon leur teneur en sel et sucres», selon le communiqué du gouvernement.
Toutefois, le changement n’est pas pour maintenant. Les entreprises et marques engagées dans cette démarche volontaire ont «deux ans pour mettre à jour leurs emballages et apposer le nouveau Nutri-Score», d’après l’annonce du gouvernement.
Pourquoi une telle évolution ?
Dès sa mise en place en 2017, cet outil nutritionnel devait faire l’objet de révisions en fonction du progrès des connaissances scientifiques, de l’évolution du marché alimentaire et des améliorations alimentaires souhaitables. Comme prévu, la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Espagne et la Suisse ont effectivement mis à jour leur algorithme. La France est le septième et dernier pays à appliquer les recommandations qui sont le fruit de deux années de recherches scientifiques.
L’objectif de ce nouveau barème est avant tout de «lutter contre le surpoids, l’obésité» qui génère «des sujets aussi lourds que les maladies cardiovasculaires, le diabète et certains cancers», a commenté ce vendredi matin la ministre de la Santé Catherine Vautrin sur TF1. L’étiquetage nutritionnel, l’interdiction des publicités pour des produits gras sucrés salés et la taxation des boissons sucrées sont «les politiques publiques les plus efficaces contre le surpoids et l’obésité», selon une étude du service statistique des ministères sociaux de juillet 2024.
De son côté, le patron d’Intermarché, Thierry Cotillard avait encouragé la signature de cet arrêté, jeudi 13 mars, sur son compte LinkedIn estimant que cette mesure «est une bonne chose». Une moins bonne notation encouragera son entreprise à «reformuler» ses «recettes».
Décryptage
Ce qui reste à déterminer
Personne ne sait encore quels sont les produits alimentaires de nos supermarchés qui verront leur classification évoluer et changer de couleur. Comme la première version conçue par des spécialistes de la nutrition, ce nouveau Nutri-Score se fait sur la base du volontariat. Certaines entreprises peuvent donc cesser de l’afficher et disposent de deux années pour prendre cette décision. En septembre 2024, Danone a franchi le pas en retirant des emballages la notation de ses yaourts à boire. Pour le professeur Serge Hercberg, concepteur de cet étiquetage et professeur de nutrition, même si la quantité de sucres est équivalente, la distinction entre yaourt solide et à boire est «pertinente» car le second est surtout pris en dehors des repas, comme «snack liquide».
Davantage d’informations devraient être révélées au consommateur lors du lancement de la «campagne d’information pédagogique qui accompagnera le déploiement du nouveau Nutri-Score» par Santé publique France, confirmée par l’agence Sanitaire. Sans toutefois évoquer de date.
Les désaccords entre ministres
Encore réticente la semaine dernière, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, avait bloqué la publication de l’arrêté qui devait permettre l’entrée en vigueur du nouveau Nutri-Score. Elle lui reprochait de donner une mauvaise note aux produits «remarquables» du terroir ou issus des «magnifiques salaisons françaises», fromages et charcuterie notamment. Pour Serge Hercberg, en raison de leur forte teneur en sel, en gras et sucre (d’où leur mauvaise note), «ces produits doivent être consommés en petites quantités, pas trop fréquemment».
Les doutes de la chargée du ministère de l’Agriculture semblent toutefois avoir été entendus. Dans leur communiqué, les ministres signataires préviennent qu’ils resteront «vigilants aux effets de bord» que cette nouvelle méthode de calcul «engendre pour les produits issus du savoir-faire français».
Questionné sur un retard d’un an environ pour l’instauration du nouveau Nutri-Score, le directeur général de la Santé, Grégory Emery, a évoqué l’instabilité politique, avec «six mois pendant lesquels aucune décision à caractère politique n’a pu être prise».