A travers le grillage de son enclos, Doug lance un regard plein d’espoir aux salariés du refuge de la SPA de Vaux-le-Pénil, qui passent devant lui armés de gamelles en direction de la chatterie. A notre passage, il se fend d’un aboiement rauque. Ce golden retriever de 13 ans souffrant d’une tumeur a été abandonné dans la nature par ses maîtres il y a trois semaines. La SPA a recueilli le vieux chien et opéré sa patte. Il paraît en pleine forme désormais, guettant la moindre présence humaine pour quémander – la plupart du temps en vain – un moment de jeu.
Depuis le 1er mai, 11 335 animaux ont été recueillis par la SPA, soit une hausse de plus de 7 % par rapport à la même période en 2019. Chiens, chats et «nouveaux animaux de compagnie» (lapins, hamsters, rats) ont été abandonnés, souvent pour simplifier les départs en vacances de leurs humains. Cette année, le nombre de chats recueillis par l’association a explosé, avec une hausse de 24 % par rapport à l’année 2019. «Avec le confinement, les stérilisations des chattes n’ont pas pu être faites au printemps dernier, car les vétérinaires n’y étaient pas autorisés. Or, les chattes se reproduisent à foison», explique Céline Touguay, responsable du refuge depuis 2011. Joint par téléphone, le président de la SPA Jacques-Charles Fombonne, se dit «très inquiet». Ses refuges saturent depuis la mi-juin. Une situation qui ne se produit en temps normal qu’à la fin du mois de juillet. «On a 8 000 animaux dans nos refuges, donc on est bien au-delà de notre capacité, qui est de 7 000», ajoute-t-il.
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Sur le terrain, chaque place compte. A Vaux-le-Pénil, les salariés et les bénévoles tentent de faire cohabiter les chiens dans un même box lorsque c’est possible. Les chats – ceux qui ne sont pas agressifs avec les autres – se fréquentent dans de grands enclos, au sol jonché d’écuelles remplies de croquettes. Cela ne suffit pas à éviter la saturation. «On a 100 places pour accueillir des chats : ils sont 95», raconte Céline Touguay. «Pour les chiens, on est censé avoir 100 places aussi et elles sont toutes occupées… Même si on va sûrement pousser les murs pour pouvoir en accueillir une vingtaine de plus.»
Des mesures pour le bien-être animal
Pour lutter contre cette situation, le gouvernement a annoncé le 21 juillet un plan de 20 millions d’euros pour aider les 800 refuges français. Jacques-Charles Fombonne ne cache pas sa joie : «Vingt-cinq structures de la SPA vont bénéficier de cet argent, ça nous aide bien, car on n’a aucune subvention. C’est une aubaine et ça montre une prise en compte de la protection animale.» Le président de la SPA se réjouit également de l’annonce, par le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, d’une campagne de sensibilisation sur les aires d’autoroute et de la hausse des peines encourues pour un abandon, portées à trois ans au lieu de deux. «Ce durcissement, même s’il ne sera probablement pas très efficace, est un signal fort.»
Le ministre de l’Agriculture a également annoncé la création d’une charte obligatoire à faire signer aux adoptants. Objectif : renseigner les personnes sur les soins, les vaccins et l’identification de l’animal. Jacques-Charles Fombonne, cette fois-ci, balaie la mesure d’un revers de main : «Ça ne sert à rien. Les gens sérieux, comme les associations et les éleveurs professionnels, le font déjà.»
Ce qu’attend surtout Jacques-Charles Fombonne, c’est le vote définitif de loi sur la protection animale. Adoptée en première lecture à l’Assemblée, elle doit passer devant le Sénat en septembre. «Ce serait un progrès majeur dans la lutte contre la marchandisation des animaux, car cette loi interdirait la vente d’animaux sur Internet, sauf par des professionnels.»
Confinement
Pour la responsable du refuge de Vaux-le-Pénil, la situation de cette année est due aux «abandons classiques de l’été», mais aussi «à toutes les adoptions irréfléchies», dont beaucoup ont eu lieu pendant le confinement. Elle remarque que beaucoup d’animaux, achetés en animalerie et sur des sites internet, se retrouvent dans son refuge. «Ce sont des “adoptions coups de cœur”», sans réflexion ni préparation en amont. «A l’inverse, lors d’une “adoption responsable” chez nous, on ne laisse pas partir un animal sans avoir vu toute la famille, sans connaître le lieu et le mode de vie des personnes. On conseille les adoptants : on cherche le bon animal pour la bonne famille, ce qui fait qu’on n’a rarement de retour d’adoption.»
Pour justifier les abandons d’animaux, les maîtres évoquent «un changement de vie», explique Céline Touguay, la responsable du refuge de Vaux-le-Pénil. «Un divorce, un bébé, un déménagement, un changement de travail… Bizarrement, il y a beaucoup de changements, et donc d’abandons, en été. Ce qui prouve bien que la vraie raison, ce sont les vacances.»
Beaucoup ne passent jamais la porte de l’association : des lapins ou des cochons d’Inde sont retrouvés par la fourrière dans des fourrés, des chats sont déposés dans des caisses de transport devant les locaux de l’association et des chiens se retrouvent attachés aux abords d’une autoroute. «La “meilleure” façon d’abandonner son animal, c’est d’anticiper, dans la mesure du possible. Il ne faut pas se décider la veille… Car on ne peut accepter un animal que si on a une place», explique Céline Touguay. «On préfère que les gens nous appellent, avoir un rendez-vous avec eux pour connaître le passif de l’animal et le maximum d’informations possibles.» Elle conclut : «Notre travail n’est pas de juger, mais d’être dans le dialogue pour accueillir l’animal dans les meilleures conditions possibles.»